Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.
Cet article pose une obligation de consultation des collectivités locales en cas de modification de leurs limites territoriales. Il est considéré, en tant qu’exigence de procédure obligatoire, qu’aucune modification des limites territoriales locales ne peut être adoptée sans consultation, laquelle doit intervenir en temps utile avant qu’une décision définitive soit prise sur la question. Par conséquent, toute modification de telles limites effectuée en l’absence de consultation de la collectivité locale concernée serait incompatible avec l’article 5[58].
En Norvège, la loi sur les limites territoriales des collectivités locales[59] dispose entre autres que le Parlement décide de la fusion des comtés, tandis que le gouvernement décide de celle des communes. Aux termes de son article 9, « avant qu’une décision ne soit prise sur les modifications ou la définition des limites territoriales, les communes ou les autorités de comté concernées doivent avoir la possibilité de s’exprimer. S’il s’agit d’une fusion ou d’une scission, le conseil municipal ou le conseil de comté lui-même doit donner son avis ».
En ce qui concerne les consultations avec les citoyens avant toute modification des frontières, l’article 10 dispose que « le conseil municipal doit recueillir l’avis des habitants sur les propositions de modification des limites territoriales. Cette consultation peut prendre la forme d’un référendum, d’un sondage d’opinion, d’un questionnaire ou d’une réunion, ou être conduite d’une autre manière. »
Ainsi, le conseil municipal ou le conseil de comté peut décider lui-même de tenir des consultations et décider de leur forme. Au premier abord, la loi ne fait explicitement référence qu’aux conseils municipaux, ce qui soulève des doutes quant à la consultation de la population par les conseils de comté. Au cours de la procédure de consultation, le ministère des collectivités locales et du développement régional a toutefois précisé que, même si les conseils de comté ne sont pas mentionnés explicitement dans la loi, il est indiqué dans les travaux préparatoires que les conseils de comté peuvent également décider d'organiser des consultations et sous quelle forme.
Enfin, le référendum apparaît comme un outil parmi d’autres, sur le même plan que les sondages d’opinion. La loi sur les collectivités locales dispose à l'article 12-2 que le conseil municipal ou le conseil de comté lui-même peut décider d'organiser des référendums consultatifs sur des propositions concernant les affaires de la municipalité ou de l'autorité de comté, respectivement. Il n’y a pas de procédures juridiques ni de lignes directrices. D’un point de vue comparatif, la Norvège a été identifiée parmi les États « faibles » en ce qui concerne les procédures de démocratie directe[60].
Comme on l’a vu, le processus de fusion des communes et des comtés a été un aspect important de la réforme territoriale entreprise par le gouvernement norvégien depuis les élections de 2013. Le processus reposait principalement sur le volontariat et les incitations. Cependant, il s’avère qu’une situation quelque peu contraignante a nécessité de procéder à des fusions obligatoires de certaines communes et certains comtés[61]. Cinq comtés ont fait l’objet de fusions forcées : d’une part Østfold, Akershus et Buskerud dans le nouveau comté « Viken », d’autre part Troms et Finnmark dans le nouveau comté « Troms-Finnmark ». Si les habitants d’Østfold, d’Akershus et de Buskerud se sont opposés à l’absorption de leur comté au sein de Viken, l’opposition a été beaucoup plus forte dans le comté de Troms, et plus encore dans celui du Finnmark. L’administration du comté du Finnmark a refusé de participer aux négociations officielles sur la fusion et a adopté de multiples résolutions au parlement du comté s’opposant à la fusion. L’administration du Finnmark a également organisé un « référendum » sur la fusion en mai 2018[62].
Le ministère des Collectivités locales et de la Modernisation a très clairement recommandé aux communes de choisir des enquêtes auprès des citoyens afin de répondre à cette exigence[63]. En outre, tandis que le ministère a confié à un organisme de sondage privé l’élaboration d’un modèle de questionnaire pour les sondages d’opinion locaux, aucun modèle ou document d’orientation sur les référendums n’a été proposé. Le ministère a affirmé que les sondages d’opinion donnent, par rapport aux référendums locaux, une image plus détaillée de l’opinion publique et donc une base plus nuancée pour la prise de décision. Cela étant, de nombreuses communes ont choisi les référendums comme instrument de consultation, au lieu ou en plus d’une enquête auprès des citoyens : 61 % des communes qui ont tenu un référendum avaient d’abord mené une enquête auprès des citoyens. Une étude sur 156 décisions positives de fusionner a fait apparaître que 81 décisions (52 %) ont été prises sans référendum[64].
Les autorités locales ont pu formuler les questions et concevoir des bulletins de vote à leur guise. Par conséquent, les questions mises aux voix et les réponses possibles ont été formulées de manière très différente dans les 221 référendums.
À la suite des référendums locaux sur les fusions municipales organisés en 2016, une enquête plus vaste sur les référendumslocaux a été menée. Il a été constaté que la grande majorité des référendums s’étaient déroulés de manière satisfaisante, mais que deux aspects en particulier avaient posé problème : la formulation des questions et des options sur les bulletins de vote et la qualité des procédures de dépouillement[65]. Au cours de la procédure de consultation, le ministère des collectivités locales et du développement régional a également souligné qu'après la vague de référendums locaux en 2016, il avait publié des orientations sur les référendums consultatifs locaux avec des recommandations sur la conduite des référendums par les municipalités et a suggéré d'utiliser la loi électorale comme base pour la conduite des référendums locaux dans la mesure du possible.
Lors de la visite de suivi, le ministère des Collectivités locales et du Développement régional a indiqué à la délégation que le gouvernement préparait une proposition visant à modifier la loi sur les limites territoriales, afin de donner à ce ministère l’autorisation spéciale d’effectuer des consultations citoyennes, y compris des référendums, dans les cas l’initiative de la modification émanait du ministère[66]. Une fois la proposition approuvée par le Parlement, le gouvernement entamera l’organisation d’un référendum concernant la scission de la commune de Kristiansand (fusionnée par le gouvernement précédent avec Søgne et Songdalen).
Les rapporteurs apprécient l’initiative du gouvernement ; cependant, ils encouragent les autorités norvégiennes à reconsidérer la question de la consultation des populations locales dans le cadre des modifications des limites territoriales des autorités locales.
Ils considèrent par conséquent que les dispositions de l’article 5 ne sont pas pleinement respectées en Norvège.