Croatie

Croatie - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 2 au 4 mars 2016
Date d'adoption du rapport: 20 octobre 2016

Le présent rapport de suivi sur la démocratie locale et régionale en Croatie est le troisième depuis la ratification de la Charte par ce pays en 1997. Il y est pris note de la ratification de l’intégralité de la Charte en 2008, témoignant d’une tendance vers la décentralisation dans le pays et d’une protection législative renforcée de l’autonomie locale et régionale une plus grande. La délégation a également relevé avec satisfaction l’introduction d’élections directes pour les maires et les préfets depuis la dernière visite de suivi en 2007, ainsi que la mise en place d’une politique de péréquation financière. De même les rapporteurs saluent l’adoption en septembre 2015 d’une législation concernant les fusions volontaires d’unités d’autonomie locale de manière à simplifier les divisions territoriales et la fourniture de services publics. Toutefois, le rapport exprime certaines préoccupations concernant l’insuffisance des ressources mises à la disposition des collectivités locales et régionales pour qu’elles puissent exercer leurs compétences, la réduction des recettes fiscales locales, l’absence de consultation formelle des représentants locaux et régionaux. En outre, les disparités territoriales et la notion d’un niveau universel de service public sont encore loin d’être atteints.

 

Par conséquent, il est recommandé aux autorités croates de revoir la répartition des responsabilités entre les niveaux de gouvernement central et infra-national afin d’éviter tout chevauchement de responsabilités. Concernant l’aspect financier, les rapporteurs préconisent des ressources financières suffisantes et proportionnées aux compétences  des collectivités locales, et dont ils pouvaient  disposer librement. Il est également recommandé de réexaminer les conditions qui régissent la fiscalité locale ainsi que la loi de 2015 sur la fusion volontaire d’unités d’autonomie locale dans le but de rendre les fusions volontaires plus attractives. Enfin, le Gouvernement est invité à signer et ratifier dans un avenir proche, le Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales (STCE n° 207).

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


La Constitution décrit la Croatie comme un « Etat unitaire, indivisible, démocratique et social ». Malgré ce caractère unitaire de l’Etat, la Constitution déclare (article 4) ce qui suit : « le gouvernement est organisé selon le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, mais il est également limité par le droit constitutionnellement garanti à l’autonomie régionale et locale ». L’article 133 précise : « Les citoyens ont le droit garanti à l’autonomie régionale et locale ». D’après cet article, le droit à l’autonomie locale et régionale est exercé par des organes représentatifs régionaux et locaux, composés de membres élus lors d’élections libres. Il est également indiqué que les citoyens peuvent « directement participer à l’administration des affaires locales par des réunions, des référendums et d’autres moyens de décision directe, conformément à la loi et aux règlements locaux ». La Constitution, entre autres dispositions, précise que les droits spécifiés dans son article 133 sont exercés par les citoyens de l’Union européenne, conformément à la loi et à l’acquis communautaire de l’UE.

 

La formulation de l’article 4 de la Constitution – « limité par le droit constitutionnellement garanti à l’autonomie régionale et locale » – et le contenu de son article 135, selon lequel dans l’attribution des compétences de l’autonomie locale, « la priorité est accordée aux organes les plus proches des citoyens », prouvent que le principe de l’autonomie locale et de la subsidiarité est pleinement exprimé dans la Constitution de la Croatie.

 

Par conséquent, l’article 2 de la Charte est pleinement respecté en Croatie.

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


L’article 135 de la Constitution de la Croatie dispose que « les collectivités autonomes locales administrent les affaires de compétence locale afin de satisfaire directement les besoins des citoyens ». La loi organique sur l’autonomie locale et régionale (n° 01-081-01-1100/2, 2001, telle qu’amendée en 2005) indique que « les communes, les villes et les comtés peuvent prendre des décisions de manière autonome concernant les tâches relevant de leur autonomie, conformément à la Constitution de la République de Croatie et à la présente loi » (article 18).

 

Sur la question des compétences déléguées, les divers ministères compétents exercent un contrôle étroit des fonctions transférées aux autorités autonomes. Les services de l’administration d’Etat présents dans les comtés agissent pour le compte de ces divers ministères et ont autorité pour exercer un contrôle administratif et financier sur les deux niveaux d’autonomie (loi n° 190/03 sur le système de l’administration publique, telle qu’amendée en 2007, n° 79/07). Cette même loi dispose qu’un service régional de l’administration d’Etat peut avoir des départements dans des villes ou communes, qui seront sous l’autorité du chef d’un tel service régional, et que l’administration d’Etat contrôle l’exécution par les collectivités locales des compétences qui leur sont déléguées. Elle précise aussi les agents des collectivités locales qui doivent être impliqués dans l’exécution des compétences déléguées, et leur accorde le statut de fonctionnaires.

 

Du fait de l’existence d’une double administration publique (administration autonome et administration de l’Etat) au niveau régional, les relations entre les collectivités locales et le service régional de l’administration d’Etat sont relativement complexes. Les représentants des collectivités locales notent que le contrôle administratif et financier exercé par le service régional de l’administration d’Etat constitue une forte ingérence dans les processus décisionnels locaux et va à l’encontre de l’article 3, paragraphe 1, de la Charte. Cette particularité du système croate d’administration publique est évoquée dans la Recommandation 226 (2007) du Congrès sur la démocratie locale et régionale en Croatie, qui appelait les autorités croates à « faire en sorte que la clarification de la répartition des compétences aux différents niveaux de gouvernement laisse aux communes la possibilité d’exercer leurs compétences de manière autonome » (article 8.i. Rec.226(2007)). Dans les échanges avec la délégation lors de la visite de suivi, tous les interlocuteurs ont fait observer que le pays restait dans l’ensemble très centralisé. Les rapporteurs notent que les ministères jouent un grand rôle dans la délimitation de l’usage de certaines compétences, par exemple en matière financière, compétences qui ont encore été restreintes du fait des mesures d’austérité dues à la crise financière. La Charte prévoit que le droit formel de gérer une part importante des affaires publiques sous la responsabilité des collectivités locales doit s’accompagner des moyens de l’exercer effectivement1. Il est par ailleurs précisé que les termes « sous leur propre responsabilité » soulignent que les collectivités locales ne doivent pas être confinées dans le rôle de simples agents des autorités supérieures, et cela concerne à la fois les premier et second niveaux d’autonomie.

 

Les rapporteurs concluent, concernant l’article 3, paragraphe 1, que malgré l’existence d’une législation sur l’autonomie locale, la pratique indique que les collectivités locales ne sont pas en mesure de gérer une part importante des affaires publiques sous leur propre responsabilité. Pour cette raison, les rapporteurs concluent que la situation en Croatie n’est que partiellement conforme à l’article 3, paragraphe 1. 


1Voir à cet égard le Rapport explicatif de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


L’article 133 de la Constitution croate dispose ce qui suit : « le droit à l’autonomie régionale et locale est exercé par des organes représentatifs régionaux et locaux, composés de membres élus lors d’élections libres, au scrutin secret et au suffrage universel, direct et égal ». La loi organique sur l’autonomie locale et régionale (2001, telle qu’amendée en 2005) définit les fonctions de l’organe représentatif local et le droit de cet organe de définir la structure et la méthode de l’administration locale.

 

L’article 39 de cette loi indique aussi que « le chef de la commune, le maire de la ville et le préfet du comté sont les organes exécutifs des collectivités locales et régionales ». L’article 42 de cette même loi dispose que « le chef de la commune, le maire ou le préfet du comté est responsable des services centraux de l’administration d’Etat pour l’exercice des tâches de l’administration d’Etat transférées aux organes de la commune, de la ville ou du comté ».

 

La Croatie accorde une grande légitimité aux maires et aux préfets, qui sont élus au suffrage direct et sont donc directement responsables devant leur électorat, en tant que plus hautes autorités exécutives de la collectivité locale ou régionale. Ils sont cependant également responsables devant le conseil ou l’assemblée, qui peuvent déposer une demande de révocation, laquelle devra être confirmée lors d’un référendum local.

 

Les rapporteurs concluent par conséquent que la Croatie respecte pleinement l’article 3, paragraphe 2, de la Charte.

 

En résumé, les rapporteurs concluent à la conformité partielle avec l’article 3, paragraphe 1, considérant que la législation nécessaire existe mais que des efforts supplémentaires doivent être faits pour que les collectivités locales soient en mesure de régler et gérer une part importante des affaires publiques sous leur propre responsabilité. Ils concluent au plein respect de l’article 3, paragraphe 2 de la Charte par la Croatie.

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


L’article 135 de la Constitution de la République de Croatie dispose que les collectivités autonomes locales (villes et communes) administrent les affaires de compétence locale afin de satisfaire directement les besoins des citoyens. Dans le même article, elle indique que les collectivités autonomes régionales administrent les affaires d’importance régionale. La Constitution énumère les domaines de compétence à la fois des collectivités locales et régionales. L’article 135 indique en outre que lorsque des compétences sont déléguées, la priorité est accordée aux organes les plus proches des citoyens.

 

La loi de Croatie sur l’autonomie locale et régionale précise les compétences relevant de l’autonomie locale. Son article 19 définit comme suit les compétences des villes et communes : L’organisation de l’habitat et du logement, L’urbanisme, Les services d’utilité publique, L’aide à l’enfance, La protection sociale, Les soins de santé primaires, L’enseignement préscolaire et primaire, La culture, l’activité physique et les sports, La protection des consommateurs, La protection et l’amélioration de l’environnement naturel, La protection contre l’incendie et la défense civile, Les transports locaux, D’autres activités prévues par des lois spécifiques.

 

L’article 19a de cette même loi énumère les compétences des métropoles (plus de 35 000 habitants) et des chefs-lieux de comté de moins de 35 000 habitants1. Elles sont les mêmes que celles des communes citées ci-dessus, auxquelles s’ajoutent l’entretien de la voirie publique et la délivrance des permis de construire et d’installation.

 

La loi de la Croatie sur l’autonomie locale et régionale définit comme suit les compétences des collectivités régionales autonomes : L’éducation, Les soins médicaux, L’urbanisme, Le développement économique, La circulation et les infrastructures de transport, L’entretien de la voirie publique, La planification et le développement du réseau d’institutions éducatives, médicales, sociales et culturelles, La délivrance des permis de construire et d’installation et d’autres documents liés aux constructions sur le territoire du comté hormis le territoire d’une métropole, D’autres activités prévues par des lois spécifiques.

 

Ces deux articles de la loi indiquent que des lois spécifiques définiront les modalités d’exercice des compétences des collectivités locales et régionales et préciseront quelle subdivision structurelle de chaque collectivité est responsable d’une tâche spécifique au sein de son domaine de compétence.

 

Les rapporteurs concluent que la législation croate est conforme à l’article 4, paragraphe 1, de la Charte. Ils soulignent cependant que leurs conclusions concernant l’article 4, paragraphe 3, relatives à la décentralisation, viennent tempérer cette position. 


1Les métropoles sont aussi appelées « grandes villes ». Aux termes de la loi sur l’autonomie locale et régionale, les grandes villes ont plus de 35 000 habitants et sont des centres de développement d’un territoire plus vaste en matière économique, financière, culturelle et scientifique, ainsi que dans les domaines des transports et de la santé. Il existe 17 de ces métropoles et 8 chefs-lieux de comté de moins de 35 000 habitants.

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


Concernant l’article 4, paragraphe 2, la législation croate est relativement silencieuse sur le droit des collectivités locales d’exercer leur initiative pour toute question qui n’est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité. Cependant, l’article 19 de la loi sur l’autonomie locale et régionale dispose ce qui suit : « les lois spécifiques applicables aux activités particulières citées au paragraphe 1 du présent article détermineront les tâches dont une collectivité locale sera tenue d’organiser l’exercice ainsi que les tâches qu’une collectivité locale pourra exercer, si elle a garanti les conditions de son exercice » (le paragraphe 1 donne une liste de tâches relevant de la responsabilité des collectivités locales). Cela signifie que les collectivités locales n’ont le droit de mettre en œuvre leurs propres initiatives que lorsqu’une législation spécifique adoptée par le pouvoir central le leur permet. Cette réglementation stricte coïncide partiellement avec les exigences de l’article 4, paragraphe 2, de la Charte puisqu’elle accorde un droit hypothétique mais ne laisse pas toute latitude aux collectivités locales pour exercer leurs propres initiatives sur toute question qui n’est pas attribuée à une autre autorité.

 

Les rapporteurs concluent par conséquent que la Croatie respecte en partie l’article 4, paragraphe 2. 

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


L’article 4, paragraphe 3, énonce le principe général de décentralisation selon lequel l’exercice des responsabilités doit, de façon générale, incomber aux autorités les plus proches des citoyens, bien que d’autres facteurs puissent s’opposer à cette exigence, comme les limites découlant de la nature ou de la taille de certaines collectivités locales.

 

Les collectivités locales de Croatie incluent les communes et les villes. Les villes comptent en moyenne un peu moins de 24 000 habitants, mais la plupart en ont moins de 15 000. Il y a environ 17 grandes villes, dont la population dépasse les 30 000 habitants. Il y a donc une forte proportion de très petites villes en Croatie. Les communes, habituellement rurales, sont plus uniformes, avec une moyenne d’environ 2 000 à 3 000 habitants, bien qu’approximativement 270 communes en comptent encore moins de 3 000. La législation n’établit pas de distinction claire entre les villes et les communes en termes de compétences et de fonctions. Dans son rapport de 2016 sur la Croatie, la Commission européenne confirme cette vision, indiquant qu’il n’existe pas de registre central énumérant les compétences et fonctions de chaque type de collectivité locale, de sorte qu’il est difficile de savoir quel type de collectivité locale est responsable d’une fonction donnée1.

 

De plus, l’extrême diversité des populations et des superficies des collectivités locales pose problème pour une attribution efficace des compétences. L’existence de nombreuses communes minuscules nuit fortement à leur exercice de fonctions publiques. De fait, il a été indiqué à la délégation que des habitants de zones rurales s’étaient plaints auprès du Médiateur que certains villages étaient privés d’électricité, qu’ils n’avaient pas accès à l’eau potable et aux transports publics ou que leur voirie n’était pas entretenue2. Dans sa Recommandation 226 (2007), le Congrès appelait les autorités centrales croates à « entreprendre un examen général plus systématique de l’organisation territoriale de l’autonomie locale et régionale comme solution possible au problème des minuscules communes inefficaces ». Une réponse à ce problème dans les zones périurbaines a été adoptée par le précédent gouvernement en 2014, avec la loi sur le développement régional, qui a créé notamment quatre agglomérations urbaines à Zagreb, Split, Rijeka et Osijek. Le gouvernement actuel continue de promouvoir ce projet d’agglomérations, qui implique la coopération entre des villes et les communes adjacentes pour un exercice conjoint de compétences. La délégation a pu visiter la ville de Rijeka, où un tel projet est mené actuellement. Le maire de la ville s’est dit satisfait des progrès de la coopération entre les communes, considérant cependant qu’il n’y avait pas eu une consultation suffisante avant l’adoption de la législation. Il convient également de noter ici que le gouvernement essaie d’encourager les fusions volontaires entre les communes, et qu’une loi sur le cadre juridique des fusions volontaires de collectivités locales a été adoptée par le Parlement en 2015. Toutefois, faute de mesures d’incitation pour accompagner cette loi, elle n’a eu que peu d’effet.

 

L’attribution asymétrique de compétences en fonction de la taille des collectivités locales mérite une attention spécifique. D’une manière générale, les comtés et les grandes villes exercent davantage de compétences que les communes et les petites villes, ce qui peut expliquer le fait que de nombreuses fonctions des communes sont exercées par le comté. Ce phénomène est particulièrement visible sur les îles, où les communes peuvent créer une organisation commune pour la prestation de services à l’échelle insulaire (par exemple les crèches sur l’île de Krk). Comme la principale source de revenus des collectivités est l’impôt sur le revenu des ménages (voir au sujet de l’article 9), on observe une grande disparité régionale concernant l’offre de services publics qui ne peuvent pas être qualifiés d’universels.

 

On peut conclure que la Croatie reste extrêmement centralisée, ce qu’ont reconnu spontanément les interlocuteurs (de tout niveau) de la délégation lors de la visite de suivi. Les collectivités locales se sont aujourd’hui vu confier un grand nombre de fonctions et responsabilités, mais comme on le verra lors de l’examen de l’article 9 de la Charte, leur exercice reste largement financé par le pouvoir central. On peut donc considérer que la décentralisation en Croatie est incomplète. 

 

Les rapporteurs concluent par conséquent que l’article 4, paragraphe 3, de la Charte est partiellement respecté en Croatie. 


1Rapport 2016 de la Commission européenne sur la Croatie, p. 73.

 

2Ces faits figurent dans le rapport de 2015 du Médiateur, rejeté par le Parlement le 20 mai 2016.

 

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


L’article 4, paragraphe 4, de la Charte vise à éviter toute dérive vers une dilution progressive des responsabilités exercées par les collectivités locales. Il convient ainsi d’éviter tout chevauchement ou dédoublement des compétences, qui devraient normalement être pleines et exclusives. La Charte reconnaît également qu’une action complémentaire de divers niveaux d’autorité est nécessaire dans certains domaines, mais que cela doit être énoncé clairement dans la loi1.

 

Il est inévitable que pour une responsabilité telle que l’éducation, qui implique les établissements d’enseignement primaire, secondaire et supérieur, ainsi que les programmes nationaux, plusieurs niveaux d’autorités, à la fois centrales et infranationales, jouent un rôle, et cette situation se retrouve aussi dans d’autres pays européens. Le ministère de l’Administration publique note à ce sujet que les tâches liées à l’enseignement primaire (aux termes de la loi de 2008 sur l’enseignement primaire et secondaire, telle qu’amendée en 2014) ne sont pas totalement décentralisées : l’Etat est en charge de la rémunération des personnels et de leurs indemnités de déplacement, du financement de programmes spéciaux et des projets de construction, tandis que les comtés et les villes qui créent les écoles primaires sont responsables de la planification des réseaux scolaires et du financement des coûts de fonctionnement, des coûts d’entretien, des dépenses d’investissement pour les équipements scolaires et du ramassage scolaire2. Néanmoins, d’autres interlocuteurs ont signalé à la délégation un autre problème concernant l’éducation : les conventions collectives applicables aux enseignants sont négociées au niveau central, tandis que les comtés (en l’occurrence) peuvent être contraints par les tribunaux à verser une indemnisation en cas de non-respect de ces conventions.

 

Le Congrès avait déjà identifié le chevauchement des responsabilités comme un problème pour la Croatie dans sa Recommandation 226(2007) adoptée à l’issue de sa précédente visite de suivi. Il y était recommandé aux autorités nationales croates « de faire en sorte que la clarification de la répartition des compétences aux différents niveaux de gouvernement laisse aux communes la possibilité d’exercer leurs compétences de manière autonome ». Suite à leurs entretiens au cours de la visite de suivi, les rapporteurs considèrent que ce problème n’a pas été résolu. En Croatie, certaines incohérences vont au-delà de la répartition des compétences, et lorsqu’une même compétence est exercée simultanément par plusieurs collectivités, il peut être difficile d’identifier la part des affaires publiques gérées par tel ou tel organe administratif. Comme il est mentionné plus haut au sujet de l’article 4, paragraphe 3, la Commission européenne a également fait ce constat3. On peut ainsi avoir le sentiment que certaines fonctions ne sont allouées à des collectivités autonomes que formellement, sans aucune compétence réelle. A ces incohérences s’ajoute la fonction de réglementation et de contrôle des ministères, qui restreint encore l’exercice d’une autorité à la fois par les collectivités locales et régionales. Des domaines comme l’urbanisme et le développement urbain sont limités par le fait que les permis de construire sont délivrés par les autorités centrales. Ces questions seront examinées plus en détail au sujet des articles 8 et 9 de la Charte.

 

Pour les raisons exposées ci-dessus, les rapporteurs considèrent qu’une clarification est encore nécessaire concernant la répartition des compétences entre les différents niveaux d’autorité, et ils concluent par conséquent que la situation en Croatie n’est pas conforme à l’article 4, paragraphe 4, de la Charte.

 


1Voir à cet égard le rapport explicatif de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale.

2Dans une réponse écrite aux questions.

3Rapport 2016 de la Commission européenne sur la Croatie, p.73.

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Non ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


La question de ce qu’on appelle en Croatie les « compétences décentralisées » doit aussi être posée. Il s’agit de compétences que les ministères délèguent aux collectivités autonomes et il serait donc plus approprié de parler de compétences « déléguées ». Elles sont désignées ainsi dans le présent rapport et sont examinées notamment en lien avec l’article 4, paragraphe 5, de la Charte. Ces compétences ne sont définies ni dans la Constitution de la Croatie ni dans la loi organique sur l’autonomie locale et régionale, ce qui est inhabituel en Europe.

 

Les compétences suivantes sont déléguées : la délivrance des permis de construire, la protection sociale, l’éducation et la sécurité incendie. D’après le ministère croate des Finances, en 2011, ces compétences déléguées étaient exercées par 153 collectivités1, seules les collectivités régionales exerçant la totalité des compétences susmentionnées. Seules 66 villes (généralement de grandes villes) exerçaient des responsabilités en matière de délivrance de permis de construire, d’éducation et de sécurité incendie, et 67 communes assuraient uniquement des tâches de sécurité incendie. On voit ainsi que les collectivités actives en Croatie sont les grandes villes et les régions, quoique leur autonomie dans l’exercice de ces compétences soit limitée dans une certaine mesure par le contrôle et l’intervention administrative directe des ministères.

 

La Charte précise que la délégation de compétences doit s’effectuer conformément à la loi. En Croatie, les compétences déléguées découlent de décisions ministérielles plutôt que de textes législatifs. L’article 4, paragraphe 5, de la Charte vise à éviter que le recours à la délégation de compétences aux collectivités locales n’empiète excessivement sur le domaine d’autorité indépendante du niveau local. Il vise également à ce que ce dernier puisse, le cas échéant, prendre les circonstances locales en considération dans l’exercice des compétences déléguées. D’après la pratique en vigueur en Croatie, les collectivités locales ne peuvent adapter les compétences déléguées aux intérêts locaux qu’après avoir obtenu le consentement des ministères.

 

Pour les raisons détaillées ci-dessus, les rapporteurs considèrent que l’exercice local des compétences déléguées, de la part des collectivités locales, est extrêmement restreint, et ils concluent que la situation en Croatie n’est pas conforme à l’article 4, paragraphe 5, de la Charte concernant les compétences déléguées aux collectivités locales par le pouvoir central.

 


1Décentralisation et politique régionale en Croatie : l’impact de l’adhésion à l’UE et les perspectives de restructuration territoriale. Malkovic S. Piljiz S. Bartlett W. LSEE papers 2011.

 

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


L’article 4, paragraphe 6, de la Charte concerne les domaines qui relèvent de la compétence des collectivités locales, de même que les autres paragraphes de cet article, mais aussi les domaines ne relevant pas de leur compétence mais ayant une incidence particulière sur elles. La concertation avec les collectivités locales et leurs associations a toujours été faible en Croatie, où il est généralement admis, malgré les initiatives de décentralisation de divers gouvernements, que la structure du pays reste centralisée. Néanmoins, toutes les associations s’accordent à dire qu’il y a eu une amélioration concernant l’information au sujet des nouvelles lois, réformes et stratégies du niveau national, découlant du code de conduite sur la consultation publique en ligne. La ville de Zagreb précise en outre que « l’article 11 de la loi sur le droit d’accès à l’information (Journal officiel 121/11 et 85/15) dispose que les organes de l’administration d’Etat, les autres organes de l’Etat, les collectivités locales et régionales et les personnes morales dotées d’une autorité publique sont tenues de mener des consultations publiques avant l’adoption de lois et réglementations, et lors de l’adoption de lois générales ou autres documents stratégiques ou de planification lorsque ces instruments touchent aux intérêts des citoyens et des personnes morales. Cet article indique aussi que les organes de l’administration d’Etat doivent mener des consultations publiques via le site web du pouvoir central destiné à cet usage, en publiant les projets de réglementation, de législation générale ou d’autre document, accompagné d’un exposé des raisons et des objectifs visés, et en invitant le public à soumettre ses avis et propositions. Le cadre législatif qui est ainsi établi permet d’utiliser le système des « consultations en ligne », et offre une vue d’ensemble des consultations publiques en cours sur des propositions de lois et de réglementations tout en permettant une participation active à leur élaboration. La ville de Zagreb est inscrite sur l’application de consultations en ligne et participe activement aux consultations publiques, en soumettant des commentaires et des propositions de projets de lois et d’autres réglementations et documents par le biais de l’Association des villes et de l’Association croate des comtés, dont elle est également membre »1.

 

Tandis que l’Association des comtés indique être « consultée régulièrement » sur les nouvelles lois, réformes et stratégies de l’Etat, c’est principalement sur les sites web de consultation publique en ligne qu’elle donne son avis ainsi qu’au moyen de ses propres initiatives d’activités de campagne et de promotion et en consultant des experts, etc.2. Lors de la rencontre avec la délégation, elle a également indiqué qu’elle avait été associée aux discussions concernant la loi sur l’autonomie locale et régionale et la loi sur les élections locales, et qu’elle-même intensifiait ses efforts pour faire entendre sa voix. Néanmoins, elle a été totalement exclue d’autres consultations, portant en particulier sur les finances, dont il sera question ci-dessous au sujet de l’article 9 (cf infra para 139 et s.).

 

Pour ce qui concerne l’Association des villes de Croatie et l’Association des communes de Croatie, elles se plaignent l’une et l’autre de la rareté et de la nature des consultations. Les représentants des communes notent qu’ils manquent souvent d’informations sur les décisions du gouvernement et qu’ils ne peuvent prendre connaissance de ces décisions et des projets de lois qu’après leur promulgation. Un autre exemple de l’absence de consultation signalé à la délégation concerne la loi sur les salaires des collectivités autonomes locales et régionales (comté) votée en 2010 (voir infra au sujet de l’article 6, paragraphe 2). Néanmoins, aux termes de la loi sur le droit d’accès à l’information, un projet de loi, avant d’être adopté, doit être rendu public, cela se faisant au moyen du système de consultation en ligne. Les associations se plaignent du fait qu’elles ne reçoivent pas de notification distincte de la publication des projets de loi qui les concernent, mais doivent parcourir l’ensemble des sites web à la recherche d’informations pertinentes qu’elles pourraient commenter. De même, il n’existe pas de système permettant d’avertir les associations de l’existence d’un projet de loi les concernant : chaque fois qu’un texte législatif est diffusé largement en vue d’une consultation publique, le processus d’élaboration a déjà atteint un stade avancé. Le ministère de l’Administration publique indique pour sa part que d’autres organes de l’administration d’Etat consultent régulièrement les collectivités locales et régionales sur les questions qui les concernent directement, en règle générale par le biais de leurs associations nationales. De plus, toujours d’après le ministère, les représentants des collectivités locales et régionales participent aux travaux des groupes d’experts lors de l’élaboration des lois et réglementations qui les concernent3. Toutefois, ces pratiques ne sont pas encore institutionnalisées et dépendent du bon vouloir des autorités.

 

Le Congrès, dans sa précédente Recommandation 226(2007), appelait les autorités croates à « introduire une disposition légale générale pour la consultation des collectivités locales et régionales au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement ». Il n’existe toujours pas de disposition légale sur la consultation des collectivités locales et régionales. Une consultation de l’ensemble de la population ne peut remplacer la consultation des collectivités locales (et de leurs associations). La Charte exige que les collectivités locales soient consultées en temps utile et de façon appropriée. Cette disposition signifie que les collectivités (ou leurs associations) doivent avoir le droit et la possibilité de consulter un projet de décision gouvernementale afin de préparer leurs recommandations le concernant et avoir une possibilité réelle d’exercer une influence4. Le droit garanti par l’article 4, paragraphe 6, de la Charte suppose l’organisation de consultations entre deux parties – les collectivités locales et régionales et le pouvoir central – et il n’est en aucun cas limité à une consultation en ligne ou à un Code de conduite sur la consultation, qui visent à informer et consulter le grand public au sujet des projets de loi.

 

Les rapporteurs notent également qu’un nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir fin janvier 2016, quelques semaines seulement avant la visite de la délégation de suivi. La nouvelle ministre des Affaires publiques, lors des discussions avec la délégation, a affirmé qu’elle souhaitait développer la consultation avec les collectivités locales et régionales et leurs associations, en lien en particulier avec une « décision sur la mise en œuvre d’une réforme pour l’amélioration de l’administration publique ». Adoptée par le nouveau gouvernement en février 2016, cette décision s’inscrit dans le Programme national de réforme de la Croatie. La ministre a affirmé que des discussions avec toutes les parties concernées – communes, villes et comtés – auraient lieu avant toute décision définitive sur ces mesures de réforme, afin de trouver la meilleure solution5. Les rapporteurs se félicitent de cette évolution et souhaitent être tenus informés à ce sujet.

 

En conclusion, les rapporteurs considèrent que la situation en Croatie est partiellement conforme à l’article 4, paragraphe 6, de la Charte concernant la consultation, et ils recommandent d’institutionnaliser une procédure de consultation des collectivités locales et régionales, par le biais de leurs associations, afin de garantir leur participation aux processus de décision sur les questions qui les concernent directement.

 

En résumé, les rapporteurs concluent que la Croatie respecte en partie l’article 4 de la Charte : La Croatie ne respecte pas l’article 4, paragraphes 4 et 5 ; La Croatie respecte en partie l’article 4, paragraphes 2, 3 et 6 ; La Croatie respecte l’article 4, paragraphe 1.


1Réponses écrites aux questions.

2Réponses écrites aux questions.

3Réponse écrite du ministère de l’Administration publique.

4Voir à cet égard le Rapport explicatif de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale.

5Egalement mentionné dans une réponse écrite du ministère de l’Administration publique.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


La Constitution croate et la loi sur l’autonomie locale et régionale ne définissent pas la manière dont les limites territoriales des collectivités doivent être établies et/ou modifiées. Une loi spécifique (loi sur le territoire des comtés, villes et communes de la République de Croatie) définit la procédure applicable à la modification des limites territoriales des unités d’autonomie locale et régionale et prévoit la tenue de consultations des citoyens.

 

La loi de Croatie sur les référendums est relativement complexe et réglemente strictement les procédures référendaires. Elle définit trois formes de démocratie directe au niveau local : le référendum, l’examen public et la pétition. Concernant le pouvoir central, on peut parler d’un « référendum facultatif »1. L’article 57 de la loi sur les référendums dispose ce qui suit : « le gouvernement peut convoquer un référendum facultatif sur le territoire d’une ou plusieurs unités d’autonomie locale ou d’autorité locale afin de recueillir l’opinion des habitants du territoire concerné au sujet de son organisation territoriale. Tous les résidents de l’unité territoriale peuvent voter, et la décision est prise à la majorité des suffrages exprimés. » L’institution du référendum facultatif signifie que son résultat n’aura qu’une valeur consultative et qu’il pourra ne pas en être tenu compte, bien qu’une telle situation ne se soit jamais produite en Croatie.

 

Le recours au référendum à des fins de consultation publique avant toute modification des limites territoriales des collectivités locales, tel qu’il est prévu par la loi, est donc pleinement conforme aux dispositions de l’article 5 de la Charte.


1Optionnel.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


Aux termes de l’article 28 de la loi de la Croatie sur l’autonomie locale et régionale, la composition numérique de l’organe représentatif est déterminée par cette loi et dépend de la population, allant de 7 membres pour les plus petites collectivités (moins de 500 habitants) à 51 membres pour les collectivités de plus de 300 000 habitants, comme Zagreb. Pour les unités de moins de 35 000 habitants et celles qui en comptent plus de 200 000, aucune distinction n’est faite entre les comtés et les villes. Par exemple, une collectivité ayant entre 2 500 et 5 000 habitants aura 13 membres, tandis qu’une collectivité de 20 000 à 35 000 habitants en comptera 21. Pour les unités ayant entre 35 000 et 60 000 habitants, un comté aura une assemblée de 31 membres tandis qu’une ville aura un conseil de 25 membres ; de même, une unité ayant entre 100 000 et 200 000 habitants aura une assemblée de 41 membres s’il s’agit d’un comté et un conseil de 35 membres s’il s’agit d’une ville.

 

La structure des départements et services est définie par une réglementation approuvée par l’organe représentatif local. La législation croate définit aussi le statut dualiste des fonctionnaires locaux. En particulier, pour ce qui concerne l’exercice des tâches déléguées, le statut d’un fonctionnaire local est assimilé à celui d’agent public.

 

Les rapporteurs concluent que les collectivités locales disposent d’une certaine discrétion concernant leurs propres structures administratives et ils considèrent par conséquent que l’article 6, paragraphe 1, de la Charte est respecté en Croatie. 

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


Les garanties de perspectives de carrière pour les fonctionnaires locaux dépendent dans une large mesure de la superficie et des moyens financiers des collectivités locales. Lors de sa visite, la délégation a eu le sentiment que les situations financières et les perspectives de carrière des fonctionnaires locaux de Zagreb et d’autres grandes villes étaient souvent meilleures que celles des fonctionnaires nationaux. En revanche, il n’en est pas de même pour les fonctionnaires des petites collectivités, dont les rémunérations et les conditions sociales sont moins favorables que celles de leurs homologues des comtés ou des grandes villes. Une telle différence en matière de situation sociale et de perspectives de carrière des fonctionnaires locaux est contraire au principe universel contenu dans la Charte. Les réformes actuelles en vue d’améliorer l’administration publique seraient l’occasion pour le gouvernement croate d’apporter une solution à ces problèmes et de garantir des conditions égales pour les fonctionnaires locaux, ainsi que de renforcer les communes les plus petites. Les associations affirment également, concernant les agents des collectivités locales, que la décentralisation ne peut être effective que si l’on renforce la capacité des fonctionnaires locaux et régionaux à exercer les responsabilités relevant jusqu’alors de l’administration centrale1.

 

Les associations de pouvoirs locaux ont reproché à la loi sur les salaires des collectivités autonomes locales et régionales (comté) votée en 2010 d’accroître la disparité entre les grandes et petites communes, surtout les plus petites d’entre elles. La loi plafonne la rémunération des fonctionnaires locaux et elle a introduit des restrictions dans les communes où l’aide budgétaire du pouvoir central dépasse les 10 %. Les associations se plaignent aussi, concernant cette loi, de ne pas avoir été consultées lors de son élaboration (à ce sujet, voir ci-dessus les commentaires sur l’article 4, paragraphe 6).

 

Bien que certaines difficultés aient été mentionnées concernant les petites communes, les rapporteurs concluent que dans l’ensemble l’article 6, paragraphe 2, de la Charte est respecté en Croatie.

 

En résumé, les rapporteurs concluent que l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la Charte est respecté en Croatie.


1réponses écrites de l’Association des comtés de Croatie.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


Lors des réunions avec la délégation, certains experts ont souligné que les conseillers locaux n’avaient pas de compétences propres concernant les entreprises communales et le contrôle du budget local. Néanmoins, les représentants locaux se sont d’une manière générale déclarés satisfaits des conditions dans lesquelles ils exercent leurs fonctions.

 

Les rapporteurs considèrent que l’article 7, paragraphe 1, de la Charte est respecté en Croatie.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Le mandat des membres élus des organes représentatifs locaux et les modalités d’exercice de leurs fonctions sont établis par la loi sur l’autonomie locale et régionale. Les représentants locaux sont élus pour un mandat de quatre ans (article 29). L’article 30 de cette même loi définit clairement la procédure permettant de prévenir les conflits d’intérêts et les activités incompatibles.

 

Les rapporteurs considèrent que l’article 7, paragraphe 3, de la Charte est respecté en Croatie.

 

On peut conclure de ce qui précède que l’article 7 de la Charte relatif aux conditions d’exercice des élus locaux est respecté en Croatie.

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


En Croatie, les fonctions exécutives, comme celle de maire, sont salariées. Les autres membres de l’organe représentatif local (les conseillers) ne sont pas rémunérés mais reçoivent, conformément à la loi, une indemnisation financière pour les dépenses liées à l’exercice de leur fonction. La loi définit clairement les conditions d’exercice des mandats électifs locaux. En 2009, l’introduction de l’élection des maires et des préfets au suffrage direct a créé des conflits entre les organes représentatifs locaux et les maires élus, entraînant même une crise au sein des autorités de la ville de Zagreb1. Il s’agissait d’un problème de cohabitation, le maire et la majorité du conseil représentant des options politiques différentes. Afin d’harmoniser les relations entre le maire élu et le conseil représentatif, le Parlement croate a voté en décembre 2012 des amendements à la loi sur l’autonomie locale et régionale et accru les pouvoirs des maires élus.

 

Les rapporteurs estiment que l’article 7, paragraphe 2, de la Charte est respecté en Croatie.


1 Maires élus au suffrage direct et problème de cohabitation. Le cas de la capitale croate Zagreb. Podorjac P. & Gordasevic D. (en ligne) 20 (2013).

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


L’article 8 concerne le contrôle des activités des collectivités locales par d’autres niveaux d’autorité, par exemple l’exigence d’une autorisation préalable pour agir ou d’une confirmation pour que les actes prennent effet, les contrôles comptables ou la compétence pour annuler les décisions d’une collectivité locale, etc.1

 

L’article 137 de la Constitution dispose que dans l’exercice des affaires relevant de leur compétence, les collectivités autonomes régionales et locales sont libres et soumises seulement au contrôle de constitutionnalité et de légalité des organes nationaux habilités. La loi de 2001 sur l’autonomie locale et régionale, dans son chapitre X, réglemente le contrôle de l’Etat et la protection de l’autonomie locale et régionale. Elle dispose, dans son article 78, que le contrôle des travaux et des actes des collectivités locales et régionales doit être mené de la manière et selon la procédure déterminée par la loi sur l’administration d’Etat. Aux termes de son article 79, le contrôle est assuré par l’organe de l’administration centrale en charge de l’autonomie locale et régionale, à savoir le ministère de l’Administration publique. Cet article indique par ailleurs que le chef de la commune, le maire et le préfet de comté doivent transmettre, dans les dix jours qui suivent leur adoption, les statuts et les lois générales adoptées par l’organe représentatif de la collectivité locale et régionale au chef des services du comté chargés des tâches d’administration générale. Il s’agit du Service de l’administration d’Etat du comté (ci-après le « Service régional »), responsable auprès du ministère de l’Administration publique en particulier, mais aussi des autres ministères de tutelle.

 

La procédure applicable au contrôle de légalité des lois générales est énoncée dans les articles 79 à 82. Si la décision est contraire à la Constitution ou à un autre texte législatif, le Service régional se prononce sur son contrôle et transmet une directive à ce sujet au maire/préfet de la collectivité. La décision de suspendre l’acte doit être communiquée au ministère de l’Administration publique, lequel examine alors les conclusions du Service régional et se prononce dans un délai de huit jours sur le bien-fondé de la décision de suspension. Lorsque le ministère considère que la suspension de l’acte adopté par une collectivité locale n’est pas justifiée, il le notifie par écrit au Service régional et à la collectivité concernée. Si la décision de la collectivité est contraire à la législation, le ministère demande au gouvernement de décider de la saisine de la Cour constitutionnelle, laquelle rend une décision définitive sur la révocation ou non de l’acte de la collectivité locale. Si dans un délai de 30 jours à compter de la décision de suspension le gouvernement central n’a pas saisi la Cour constitutionnelle, la suspension n’est pas valide.

 

Une autre procédure, aux termes de l’article 84, prévoit la dissolution de l’organe représentatif dans certaines circonstances. Un amendement de 2012 à la loi sur l’autonomie locale et régionale permet en outre une révocation simultanée de l’organe électif local et du chef de l’exécutif élu au suffrage direct.

 

Il est à noter qu’avant 2013 la Cour constitutionnelle assurait un contrôle sur toutes les réglementations locales, mais que depuis 2013 elle contrôle uniquement les statuts locaux. Suite à l’entrée en vigueur de la loi sur le contentieux administratif (1er janvier 2012), la Haute Cour administrative s’est vu confier la compétence de contrôler la légalité des actes généraux des collectivités locales et régionales, des personnes morales dotées de pouvoirs publics et des personnes morales assurant des services publics.

 

Les rapporteurs concluent que l’article 8, paragraphe 1, de la Charte, qui prévoit l’exercice du contrôle administratif conformément à la Constitution ou la loi, est pleinement respecté.


1Voir à cet égard le rapport explicatif de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu'à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l'opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l'exécution est déléguée aux collectivités locales.


Le contrôle de l’exercice des tâches transférées de l’administration de l’Etat est régi par l’article 83 de la loi de 2001 sur l’autonomie locale et régionale, qui prévoit que le ministère compétent peut adresser des ordonnances au chef de la commune, au maire et au préfet du comté. Il s’agit fondamentalement d’une directive contraignante et d’une consigne pour la mise en œuvre des compétences déléguées, dont l’exécution relève de la responsabilité personnelle du maire/préfet. Selon cette procédure, les organes d’autonomie locale se bornent à exécuter les décisions du pouvoir central, plutôt que de prendre des décisions dans le domaine des compétences déléguées. Par conséquent, il s’agit davantage d’un contrôle direct sur l’exécution que d’un contrôle administratif dans le domaine des compétences déléguées. Le contrôle de l’exécution des fonctions déléguées est ainsi confié directement au maire/préfet, qui agit dans ce cas en tant que représentant du pouvoir central.

 

Le gouvernement croate dissout un organe représentatif, sur proposition du ministère de l’Administration publique, si cet organe a pris une décision qui menace la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Croatie ou si cet organe : a. N’adopte pas de statuts dans un délai de 60 jours, b. Adopte régulièrement des actes contraires à la Constitution ou la loi de la République de Croatie, c. N’a plus le quorum nécessaire pour adopter des décisions, d. N’adopte pas le budget local du prochain exercice pendant une période de trois mois.

 

Les amendements de 2012 à la loi sur l’autonomie locale et régionale ont introduit la possibilité simultanée de dissoudre l’organe délibérant local et de révoquer un maire/préfet élu au suffrage direct lorsqu’une collectivité locale n’adopte pas le budget annuel ou ne décide pas d’un financement temporaire pour le prochain exercice financier pendant la période susmentionnée. En cas de dissolution ou de révocation, le chef d’un organe délibérant local et/ou le maire/préfet peuvent saisir la Haute Cour administrative de la République de Croatie dans un délai de 8 jours après l’adoption de la décision du Gouvernement croate sur la révocation simultanée des organes d’autonomie locale. La Haute Cour administrative doit rendre une décision sur le recours au plus tard 30 jours après son dépôt.

 

Bien que l’autorité qui délègue les compétences soit habilitée à exercer un contrôle sur la manière dont les tâches déléguées sont exécutées, l’article 8, paragraphe 2, de la Charte requiert que la collectivité locale ne soit pas empêchée d’exercer un certain pouvoir d’adaptation conformément à l’article 4, paragraphe 5, de la Charte1. Concernant la loi, on ne peut déterminer précisément si l’article 83, paragraphe 2, de la loi sur l’autonomie locale et régionale permet l’exercice d’une telle discrétion. Il faut aussi examiner les pratiques usuelles. La délégation a noté que dans certains cas les collectivités locales elles-mêmes n’avaient pas conscience du caractère intrusif de l’intervention du pouvoir central dans des domaines qui devraient essentiellement relever de leur responsabilité. Les notions d’autonomie sont assurément limitées par le passé d’Etat centralisé et, plus récemment, par une décentralisation disparate, et les collectivités ne formulent pas toujours les demandes nécessaires pour faire valoir leurs droits. Ce point est développé plus longuement ci-dessous au sujet de l’article 8, paragraphe 3. Les métropoles comme Zagreb montrent une plus grande activité pour défendre leurs droits devant les tribunaux (voir les paragraphes 150 et suivants au sujet de l’article 11 de la Charte).

 

En conclusion, compte tenu de la législation détaillée encadrant le contrôle des compétences déléguées, les rapporteurs concluent à la conformité avec l’article 8, paragraphe 2, de la Charte, mais soulignent que cette conclusion doit être lue à la lumière de leurs remarques ci-dessous concernant l’article 8, paragraphe 3, relatif à la proportionnalité du contrôle administratif.


1Voir le rapport explicatif de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale.

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôle et l'importance des intérêts qu'elle entend préserver.


L’article 8, paragraphe 3, de la Charte s’inspire du principe de proportionnalité, selon lequel l’autorité de contrôle, dans l’exercice de ses prérogatives, doit utiliser la méthode qui empiète le moins sur l’autonomie locale tout en produisant le résultat attendu. Il a déjà été mentionné, au sujet de l’article 4, paragraphe 5, qu’en Croatie les collectivités locales, dans le domaine des compétences déléguées, se bornent souvent à suivre les instructions du pouvoir central, qui leur sont transmises via le Service de l’administration d’Etat. Ainsi qu’il a été indiqué à la délégation lors de la visite, ce Service encadre activement les collectivités locales sur des sujets tels que l’éducation, l’aménagement du territoire et l’occupation des sols. Le système éducatif appartient au domaine des compétences partagées entre les comtés et le pouvoir central, mais le pouvoir de décision des comtés dans ce domaine est purement formel, le système étant régi par les décrets des ministères concernés. Concernant l’urbanisme et l’architecture, ces deux domaines relèvent de la compétence propre des villes et communes mais des réglementations nationales adoptées par le ministère de la Construction et l’Aménagement du territoire se substituent aux décisions des communes en matière de d’aménagement et d’urbanisme sur leur territoire. La délégation a eu connaissance d’un autre exemple lors de sa visite, concernant la décision d’une collectivité locale de modifier une rue à sens unique sur son territoire. Non seulement cette collectivité n’a pas le droit d’appliquer cette décision de manière autonome, mais il a été indiqué à la délégation que le processus de décision inclut 40 étapes au niveau du pouvoir central, dans divers ministères, pour que l’autorisation soit accordée. Il s’agit d’un exemple extrême, qui résulte probablement d’une révision parcellaire des lois sectorielles, mais empêche néanmoins réellement les collectivités locales de gérer leurs propres affaires.

 

Au sujet de l’article 8, paragraphe 2, de la Charte, la délégation a aussi noté lors de la visite que les vestiges d’une culture de centralisation subsistaient encore en Croatie concernant la relation entre le pouvoir central et les entités infranationales. Cette remarque s’étend aussi au Service de l’administration d’Etat au niveau des comtés et à son rôle dans le contrôle de l’Etat sur les activités des collectivités locales. Les rapporteurs ont le sentiment que les personnels de ces services doivent aussi prendre conscience d’une plus grande décentralisation de leur rôle, et la réforme actuelle de l’administration publique serait une excellente occasion de traiter ces questions1. Le Programme national de réforme de la Croatie reconnaît qu’une rationalisation des entités régionales des organes centraux de l’administration de l’Etat est nécessaire, et il vise à réduire leur nombre de 20 % (à partir de janvier 2016), en supprimant certaines étapes du processus décisionnel afin de le rendre plus efficace. Ce même Programme reconnaît qu’il existe une « rigidité excessive des structures organisationnelles »2.

 

Concernant l’article 8, paragraphe 3, les rapporteurs concluent que la possibilité d’une révocation simultanée de l’organe électif local et du chef de l’exécutif élu au suffrage direct, prévue par les amendements de 2012 à la loi sur l’autonomie locale et régionale (voir ci-dessus au sujet de l’article 8, paragraphe 1) ne peut pas être considérée comme une possibilité raisonnable et proportionnée. Elle est donc contraire à l’article 8, paragraphe 3, de la Charte. Deuxièmement, les rapporteurs considèrent que le contrôle de l’Etat est disproportionné, surtout celui des services de l’administration d’Etat au niveau des comtés, au regard de l’importance des intérêts qu’il vise à protéger. Ce contrôle est donc également contraire à l’article 8, paragraphe 3, de la Charte.

 

Les rapporteurs concluent par conséquent au non-respect de l’article 8, paragraphe 3, de la Charte en Croatie.

 

En résumé, les rapporteurs concluent au respect par la Croatie de l’article 8, paragraphes 1 et 2, de la Charte, notant cependant que ce dernier paragraphe doit être lu à la lumière de l’article 8, paragraphe 3, dont les rapporteurs considèrent qu’il n’est pas respecté par la Croatie.


1Conférence internationale organisée par le Gouvernement croate, 22 avril 2016, « La réforme de l’administration publique – perspectives et défis ».

2Programme national de réforme 2015 de la Croatie.

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


Concernant l’article 9, paragraphe 8, la capacité des communes de Croatie d’emprunter sur le marché des capitaux privés est soumise à une réglementation, comme dans de nombreux autres pays d’Europe. L’emprunt est autorisé au niveau de 20 % d’après l’indicateur consolidé de l’exercice budgétaire précédent, et requiert l’accord préalable du gouvernement central. Les rapporteurs n’ont eu connaissance d’aucune plainte de la part de leurs interlocuteurs concernant le système en vigueur en Croatie.

 

Les rapporteurs concluent donc au respect de l’article 9, paragraphe 8, de la Charte en Croatie.

 

En conclusion sur l’article 9 de la Charte, les rapporteurs soulignent que tous les interlocuteurs ont insisté lors des entretiens organisés pendant la visite que la Croatie reste un pays hypercentralisé et que la décentralisation a été abordée par le passé de manière trop parcellaire, ne permettant pas un transfert cohérent de compétences de l’Etat vers les collectivités. De fait, les récentes initiatives de décentralisation et l’engagement du nouveau gouvernement à poursuivre les réformes, y compris sur la décentralisation budgétaire (priorité première des collectivités rencontrées par la délégation), sont le signe que le pouvoir central n’ignore pas que davantage doit encore être fait. Ainsi, les propositions actuelles de la Croatie concernant la réforme de décentralisation budgétaire sont une excellente occasion de résoudre les problèmes mentionnés ci-dessus au sujet de l’article 9 de la Charte. Les rapporteurs suivront les progrès avec un grand intérêt et souhaitent être tenus informés de l’évolution de la situation.

 

Les comtés, villes et communes de Croatie ne disposent pas actuellement de ressources financières suffisantes pour exercer leurs compétences propres, un problème qui a été évoqué à de multiples reprises lors des échanges de vues avec la délégation, et qui est expliqué en détail ci-dessus. Les recettes fiscales propres n’excèdent pas 10 % des recettes budgétaires locales, composées principales de transferts de péréquation provenant d’impôts partagés et des subventions et transferts ministériels destinés aux fonctions déléguées. Avec moins de 6 % du PIB, la part des collectivités locales dans les ressources nationales est l’une des plus basses d’Europe, et la situation générale ne répond pas aux exigences énoncées dans l’article 9 de la Charte.

 

Pour ces diverses raisons, les rapporteurs concluent au non-respect, par la Croatie, de l’article 9, paragraphes 1, 2, 3, 4, 6 et 7. L’article 9, paragraphe 5, de la Charte est partiellement respecté en Croatie et l’article 9, paragraphe 8, l’est pleinement.

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Les impôts locaux ne constituent qu’une faible part (10 %) du budget local, et le système de péréquation financière – présenté ci-dessus – ne répond pas aux besoins réels. La Croatie a recours à des financements à vocation spécifique, tels que les subventions/dotations allouées aux villes et comtés pour tenter de compenser les insuffisances et couvrir les dépenses de fonctionnement. En outre, divers ministères transfèrent des financements aux villes et comtés pour l’exercice de fonctions déléguées et décident de la manière dont ces fonds doivent être utilisés. Comme on l’a vu, la plus grande part du budget local est allouée au financement de l’enseignement préscolaire et scolaire, 33 % sont affectés aux services et à l’acquisition de produits, 21 % sont consacrés aux coûts administratifs (salaires et rémunérations) et, enfin, 19 % sont dépensés pour l’augmentation/diminution des actifs non financiers. Pour les comtés, les principaux postes de dépenses sont l’enseignement et les infrastructures routières.

 

En outre, la loi sur le financement des collectivités locales et régionales définit par avance de quelle manière et dans quelle proportion les subventions reçues pour l’exercice des fonctions déléguées doivent être dépensées. Le ministère des Finances contrôle strictement le volume des dépenses budgétaires des collectivités locales et régionales, ce qui restreint leur droit de décider de leurs priorités en matière de dépenses budgétaires de manière indépendante et sous leur propre responsabilité. Le système de contrôle financier à plusieurs niveaux, qui comprend le Service régional d’administration de l’Etat, le ministère des Finances et la Cour des comptes, ne laisse qu’une faible marge de manœuvre. Le contrôle de la Cour des comptes porte sur l’opportunité des dépenses, mais aussi sur la performance de la gestion et sur l’exercice des compétences propres des collectivités locales. De l’avis de la délégation, elle a un rôle d’intervention supérieur à la norme des autres pays d’Europe.

 

Il serait irréaliste de s’attendre à ce qu’aucune dotation aux collectivités soit réservée à une fin spécifique. Néanmoins, le principe qui sous-tend cet article de la Charte veut qu’un recours excessif aux dotations réservées ou à d’autres restrictions limite gravement la liberté des collectivités d’exercer leur discrétion en matière de priorités de dépenses. En Croatie, le système de contrôle général et vertical, de l’avis des rapporteurs, entrave l’activité effective des collectivités locales dans leur domaine de compétence, et il est contraire au contenu de l’article 9, paragraphe 7, de la Charte.

 

Les rapporteurs concluent par conséquent à la non-conformité avec l’article 9, paragraphe 7, de la Charte.

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


Concernant l’article 9, paragraphe 6, de la Charte, les rapporteurs s’inquiètent en particulier des informations fournies par les associations d’autorités locales et de comtés selon lesquelles le pouvoir central ne respecte pas cette disposition relative à la tenue de consultations avec les collectivités locales au sujet de la manière dont les ressources redistribuées leur sont allouées. Les associations, de même que les interlocuteurs individuels, indiquent ne pas avoir été associés à la réforme de 2015 de l’impôt sur le revenu, qui a un impact considérable et immédiat sur leurs activités. Lors de la visite de suivi, beaucoup d’interlocuteurs de la délégation se sont plaints de la manière dont les lois sur les impôts sur le revenu ont été modifiées en 2015, en particulier pour ce qui concerne la part destinée à financer les compétences déléguées. Cette part a chuté – soudainement et sans consultation – de 12 % à 6 % de l’impôt sur le revenu au milieu de l’exercice fiscal, supprimant 2 milliards HRK des transferts de l’Etat. La ville de Zagreb à elle seule a estimé qu’elle avait perdu 330 millions HRK en 2015 par rapport à 2014 et qu’elle avait dû compenser cette perte au moyen de ressources propres non spécifiques1. La ville de Zagreb estime, pour la seule année 2015, à approximativement 780 millions HRK l’impact de la réduction des recettes fiscales consécutive aux amendements apportés à la loi sur l’impôt sur le revenu et à la loi sur le financement des collectivités locales et régionales. La ville de Rijeka a perdu 10 % de son budget en raison de cette même réforme et a mis fin, avec effet immédiat, à certains projets de développement. Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2015, l’Etat a limité à 18 % la surtaxe sur l’impôt sur le revenu. Cette mesure n’a affecté que la ville de Zagreb, puisqu’elle est la seule à appliquer le taux de surtaxe maximal depuis le début de la décentralisation budgétaire en 20012. De nombreux interlocuteurs se sont plaints également du nombre de fois où des lois ayant un impact sur leur budget ont été modifiées, mentionnant trois modifications ces huit dernières années, de sorte qu’il leur est réellement difficile de planifier leur budget.

 

Le processus de consultation des collectivités locales concernant la fixation des subventions et des tarifs est aussi un point faible. Les associations se sont plaintes de cette absence de consultation devant la Cour constitutionnelle. Le seul mécanisme de consultation existant actuellement en Croatie, d’après les interlocuteurs de la délégation du Congrès, est la loi spéciale sur la consultation publique, qui dispose que tout acte législatif doit être rendu public de manière à ce que les citoyens puissent le commenter. Ce point est examiné plus en détail ci-dessus au sujet de l’article 4, paragraphe 6, de la Charte. Les associations de pouvoirs locaux et régionaux estiment que ce mécanisme ne permet ni de garantir des consultations axées sur les résultats ni de protéger l’autonomie locale.

 

En conséquence, la pratique de consultation des représentants des collectivités de la part des autorités centrales de Croatie, eu égard en particulier à leur exclusion du processus de consultation relatif à la loi sur le financement des collectivités locales et régionales et la loi de 2015 sur l’impôt sur le revenu, n’est pas conforme à l’article 9, paragraphe 6, de la Charte.

 

Les rapporteurs concluent que la Croatie n’a pas agi conformément à l’article 9, paragraphe 6, de la Charte.


1Figure également dans les réponses écrites de la ville de Zagreb.

2Figure également dans les réponses écrites de la ville de Zagreb.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


Concernant l’article 9, paragraphe 5, de la Charte, la Constitution de la Croatie dispose dans son article 138 que l’Etat accorde une assistance financière aux collectivités autonomes régionales et locales les plus pauvres, conformément à la loi. Comme dans les autres pays d’Europe, cette assistance est accordée au moyen d’un fonds de péréquation financière. On a vu que le système de péréquation financière repose sur le prélèvement par le pouvoir central de 16 % des recettes de l’impôt sur le revenu des ménages collecté par les collectivités locales. Ces 16 % sont alors mis en commun dans le fonds de péréquation financière destiné aux compétences décentralisées. Les modalités de répartition du fonds de péréquation financière ont changé en 2014 : l’octroi de recettes fiscales préférentielles fondées sur le statut de zone prioritaire national ou de zone de collines ou de montagnes a été remplacé par une répartition basée sur un nouvel indice de développement déterminé suivant la Décision sur la classification des collectivités locales et régionales d’après le niveau de développement (Journal officiel 158/2013). Ce changement entraîne aussi une modification de la loi sur le financement des collectivités locales et régionales. Cet indice de développement est utilisé pour calculer le montant des subventions de chaque ville, chaque commune et chaque comté, au moyen des critères suivants : Le taux de chômage, a. Le revenu par habitant, b. Le budget local/du comté par habitant, c. L’évolution démographique d. La part des 16-65 ans ayant un niveau d’éducation supérieur.

 

L’indice de développement est alors défini pour chaque collectivité et un indicateur national moyen est également calculé. L’indice de la collectivité est exprimé en pourcentage de la moyenne nationale et classé dans une catégorie. Les collectivités locales (villes et communes) sont classées en cinq groupes : Groupe I : moins de 50 % de la moyenne nationale Groupe II : entre 50 % et 75 % de la moyenne nationale Groupe III : 75-100 % de la moyenne nationale Groupe IV : 100-125 % de la moyenne nationale Groupe V : indice de développement supérieur à 125 % de la moyenne nationale. Seuls 4 groupes existent pour les comtés : Groupe I : comtés dont l’indice de développement est inférieur à 75 % de la moyenne nationale, Groupe II : 75 %-100 %, Groupe III : 100 %-125 %, Groupe IV : plus de 125 % de la moyenne nationale. L’indice de développement est actualisé tous les cinq ans.

 

Dans le cas des villes et communes, le fonds général de péréquation financière bénéficie aux Groupes I et II ; dans le cas des comtés, seuls ceux du Groupe I en bénéficient. Le financement est accordé au moyen d’un partage différencié de l’impôt sur le revenu (88 % aux Groupes 1 et 2 en fonction de l’indice de développement), ainsi que par des subventions directes provenant du budget central. Les villes, les communes et les comtés de ces groupes reçoivent une aide du fonds de péréquation. En 2013, le Groupe I comptait 48 communes et le Groupe II incluait 216 villes et communes. Cette même année, 12 comtés ont bénéficié du fonds de péréquation (Groupe I). Le Groupe V (plus de 125 % de la moyenne nationale) comptait 26 villes et communes, ce qui témoigne d’un important déséquilibre territorial en Croatie et d’une incapacité à garantir un développement homogène dans l’ensemble du pays. Des subventions, des mesures d’incitation et des dotations – comme un pourcentage accru des recettes de l’impôt sur le revenu, par exemple, pour les communes des îles et des régions de collines ou de montagne – peuvent être utilisées pour compenser les insuffisances des transferts de péréquation. Ces mesures seront examinées ci-dessous au sujet de l’article 9, paragraphe 7.

 

La délégation de suivi a entendu de nombreuses critiques sur le système de péréquation financière pendant la visite, notamment sur le fait qu’il ne tient pas compte de la densité de population ni des caractéristiques topographiques. L’Association des comtés déclare en outre que les capacités budgétaires des différentes collectivités locales ne sont pas prises en compte et que les subventions directes du pouvoir central ne jouent pas véritablement ce rôle. En outre, il a été affirmé à la délégation que les taux n’étaient pas fiables du fait qu’ils changent régulièrement. Ces cinq dernières années, la portion fixée par l’Etat a été réduite de 13 %. Il a également été mentionné que le montant de l’aide de l’Etat pour des projets individuels était aussi variable d’une année sur l’autre, en fonction des projets que l’Etat accepte de financer, ce qui rend la planification difficile pour les collectivités locales concernées. Pour dire les choses simplement, il est reproché au système de péréquation de ne pas être satisfaisant, au motif qu’il n’est pas parvenu à réduire les différences entre collectivités locales et régionales1. Néanmoins, l’Institut des finances publiques a salué les nouvelles mesures, qui aident les collectivités locales insuffisamment développées grâce à la mise en place d’indicateurs quantifiables permettant un financement préférentiel2.

 

En conclusion, les rapporteurs estiment que la Croatie s’emploie à trouver des indicateurs objectifs et quantifiables pour garantir un développement plus homogène du pays. Ce résultat n’a assurément pas été atteint à ce stade, mais la mise en place du nouveau système est encore trop récente pour qu’on puisse juger de son efficacité réelle. Sur cette base, les rapporteurs concluent au respect partiel de l’article 9, paragraphe 5, de la Charte en Croatie.


1Réponses écrites du comté de Primorje-Gorski Kotar et de l’Association des comtés de Croatie.

2Institut des finances publiques, communiqué de presse numéro 72 du 5 décembre 2014.

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d'impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


L’article 9, paragraphe 3, dispose que ces ressources doivent aussi provenir de redevances et d’impôts locaux dont les autorités locales doivent pouvoir fixer le taux. Comme on l’a vu, la Croatie prévoit en effet la collecte de redevances et d’impôts à la fois au niveau local et à celui des comtés, mais les taux sont fixés par une législation générale. Dans tous les cas, ces redevances et impôts ne constituent pas au total plus de 10 % du budget des collectivités locales. Ce pourcentage est peu élevé par rapport aux autres Etats membres de l’UE, et il a pour effet de restreindre l’autonomie financière des collectivités locales. On peut aussi noter à ce sujet que la part des recettes des collectivités locales de Croatie représente moins de 6 pour cent du PIB (2014), ce pourcentage étant l’un des plus bas à la fois parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Les collectivités locales collectent un impôt sur les assurances privées, mais elles ne le contrôlent pas totalement puisqu’une part importante de cet impôt revient à l’Etat au titre des « impôts partagés ». De plus le taux de cet impôt est fixé par l’Etat. La plus grande partie du budget local, pour la plupart des collectivités locales, provient sous une forme ou une autre de l’Etat – y compris de ministères spécifiques pour les compétences déléguées – et des transferts de péréquation financière et subventions, etc. qui sont souvent affectés à une utilisation donnée et limités d’une manière ou d’une autre. De plus, la loi sur le financement des collectivités locales et régionales précise en réalité par avance comment et dans quelle proportion les subventions accordées pour l’exercice des compétences déléguées doivent être dépensées. Par ailleurs, le ministère des Finances contrôle strictement le volume des dépenses budgétaires des collectivités locales et régionales, ce qui limite leur droit de décider de leurs priorités en matière de dépenses de manière indépendante et sous leur propre responsabilité. Du fait que les taux sont définis par la loi ou par le ministère des Finances, les collectivités locales n’ont qu’une faible marge de manœuvre pour fixer le taux des redevances et impôts locaux, comme le prévoit la Charte. L’Institut des finances publiques de Zagreb a critiqué l’utilisation des impôts partagés en tant qu’instrument pour corriger les inégalités économiques et financer des projets d’investissement, en plus de leur finalité de mécanisme destiné à financer les fonctions déléguées. L’Institut recommande que le produit de l’impôt sur le revenu des ménages reviennent intégralement aux collectivités locales qui le collecte et que les impôts partagés soient utilisés uniquement pour corriger les déséquilibres budgétaires verticaux, c’est-à-dire les insuffisances de recettes pour financer les compétences déléguées1.


1Institut des finances publiques, communiqué de presse 72 du 5 décembre 2014

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


L’article 9, paragraphe 2, requiert en outre que les ressources soient proportionnées aux responsabilités des collectivités locales énumérées ci-dessus, et en particulier aux fonctions qui leur sont assignées. A ce sujet, les collectivités locales se plaignent de se voir attribuer de plus en plus de tâches, sans que cela s’accompagne nécessairement d’un financement suffisant.

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences.


Le principe qui sous-tend l’article 9 de la Charte est celui-ci : l’autorité en droit d’exercer certaines fonctions est dépourvue de sens si les collectivités locales sont privées des moyens financiers de remplir ces fonctions1. En Croatie, le droit à des ressources financières propres est garanti par l’article 138 de la Constitution, qui dispose que les collectivités autonomes régionales et locales ont le droit de percevoir leurs propres recettes, proportionnelles à leurs pouvoirs, et d’en disposer librement pour réaliser les tâches de leur compétence. La loi sur l’autonomie locale et régionale reprend ces dispositions dans son article 68. La loi de 2008 sur le financement des collectivités locales et régionales réglemente les finances et les budgets locaux, et la loi de 2008 sur le budget réglemente notamment le plan budgétaire triennal d’adoption pour un an et de projection pour les deux années suivantes, à la fois au niveau national et à celui des collectivités locales. La loi portant amendement à la loi sur le budget définit plus précisément les objectifs et priorités en matière de développement des collectivités locales.

 

Les compétences autonomes qui doivent être financées découlent de l’article 135 de la Constitution et de la loi de 2001 sur l’autonomie locale et régionale, dont l’article 19 donne la liste suivante des compétences des villes et communes : L’organisation de l’habitat et du logement, L’urbanisme, Les services d’utilité publique, L’aide à l’enfance, La protection sociale, Les soins de santé primaire, L’enseignement préscolaire et primaire, La culture, l’activité physique et les sports, La protection des consommateurs, La protection et l’amélioration de l’environnement naturel, La protection contre l’incendie et la défense civile.

 

L’article 19a (2005) dispose que les métropoles, en plus des compétences des villes et communes, assurent aussi : L’entretien de la voirie publique ; La délivrance des permis de construire et d’installation et d’autres documents liés à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire.

 

Les compétences suivantes relèvent des organes d’autonomie régionale : L’éducation, Les soins médicaux, L’urbanisme, Le développement économie, La circulation et les infrastructures de transport, La planification et le développement du réseau d’institutions éducatives, médicales, sociales et culturelles, L’entretien de la voirie publique, La délivrance des permis de construire et d’installation et d’autres documents liés à l’urbanisme et à l’aménagement du territoire.

 

Les sources de financement des collectivités locales et régionales incluent : les subventions ; les impôts partagés (y compris l’impôt sur le revenu des ménages) et l’impôt sur les transactions immobilières ; les revenus des ventes de biens et loyers ; les impôts, redevances et autres droits propres, les emprunts et autres recettes. Du point de vue de la Charte, ces sources doivent non seulement être suffisantes pour les compétences détaillées ci-dessus, mais aussi pour les compétences spécifiquement assignées aux collectivités locales.

 

Concernant l’article 9, paragraphe 3, la loi sur le financement des collectivités locales et régionales définit les types suivants de revenus locaux : les recettes fiscales et redevances locales, les impôts partagés, les subventions du pouvoir central et les recettes provenant des biens propres. Les recettes fiscales locales du niveau régional sont : L’impôt sur les successions et donations, La taxe sur les véhicules à moteur,
 La taxe sur les bateaux et embarcations,
 La taxe sur les machines à sous

 

Les recettes fiscales locales des villes et communes sont : La surtaxe sur l’impôt sur le revenu des ménages, L’impôt à la consommation,
 L’impôt sur les résidences secondaires,
 L’impôt sur les noms de marques, L’impôt sur l’utilisation d’espaces publics.

 

Le montant des impôts est fixé par la loi organique sur le financement des collectivités locales et régionales. La surtaxe sur l’impôt sur le revenu dépend également de la taille de la collectivité locale. Elle est au maximum de 10 % pour les communes, et au maximum de 18 % (précédemment 30 %) pour la ville de Zagreb.

 

Outre les impôts, les villes et communes sont autorisées à collecter des redevances, qui incluent : Les amendes et les gains pécuniaires confisqués pour les infractions prévues par les réglementations locales, Les frais administratifs, Les taxes de séjour (taxe hôtelière), Les redevances, contributions et autres droits sur les entreprises municipales, tels que définis par la législation interne, Les redevances pour l’utilisation de terrains publics de la ville ou commune.

 

Le système croate de finances publiques utilise le procédé des revenus partagés, qui comprend deux segments : les droits et redevances partagés et les impôts partagés. Le premier segment inclut : a. Les droits d’utilisation des eaux minérales et thermales, dont la moitié revient au budget local et l’autre moitié, au budget central ; b. Les droits d’utilisation de l’eau potable, dont 30 % revient au budget local et 70 %, au budget central.

 

Les impôts partagés incluent l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les transferts immobiliers. Sur ce dernier, 80 % revient au premier niveau d’autonomie (ville ou commune) et 20 %, au budget central. Concernant l’impôt sur le revenu des ménages, le système de répartition appliqué est le suivant : 60 % restent au premier niveau d’autonomie (ville ou commune) ; 16,5% restent au second niveau d’autonomie (comté) ; 6 % sont destinés aux fonctions déléguées ; 16 % vont au fonds de péréquation pour les compétences déléguées ; 1,5 % sont utilisés pour le fonds de cofinancement des projets de l’UE.

 

Les 6 % réservés à l’exercice de compétences déléguées sont aussi spécifiés clairement dans la loi, et doivent être dépensés pour les domaines suivants : L’enseignement primaire L’enseignement secondaire Les centres d’action sociale Les maisons de retraite et centres pour personnes handicapées Les soins de santé Les services publics d’incendie

 

En conséquence, le principal bénéficiaire de l’impôt sur le revenu des ménages, du fait de son double statut de collectivité locale et de comté, est la ville de Zagreb. Ceux qui en bénéficient le moins sont les comtés, qui se voient cependant accorder une part plus importante du fonds de financement des compétences déléguées, du fait qu’ils exercent la plupart de ces fonctions.

 

Concernant l’article 9, paragraphe 1, le dispositif économique national accorde clairement aux unités d’autonomie (ci-après « les collectivités locales ») des ressources financières propres, qui sont énumérées ci-dessus. La question porte alors sur le caractère suffisant ou non de ces ressources financières pour permettre aux collectivités locales de décider librement de leurs priorités en matière de dépenses2.


1Voir le rapport explicatif de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale

2Voir le rapport explicatif de la Charte Européenne de l’Autonomie Locale.

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


L’article 9, paragraphe 4, requiert que les systèmes financiers des collectivités locales soient suffisamment diversifiés pour leur permettre de suivre l’évolution du coût de la prestation des services. Le caractère limité des ressources propres a été exposé plus haut (cf infra para 129 et s.). En outre, ces ressources ont été réduites massivement depuis 2015 du fait de modifications des taux de l’impôt sur le revenu (voir aussi au sujet de l’article 9, paragraphe 6), qui constitue en particulier l’une des principales sources de recettes des communes. Concernant la diversité des sources de revenus, il existe une grande disparité entre les petites et grandes communes, les grandes villes (y compris la capitale Zagreb) où les sources de revenus plus diversifiées peuvent garantir une plus grande autonomie financière, tandis que pour les communes et les petites villes, ainsi que pour les comtés des régions économiques défavorisées, il est extrêmement difficile d’assumer les coûts de fonctionnement et près de 80 % de leurs budgets sont constitués d’aides financières provenant du pouvoir central

 

Lors des entretiens de la délégation avec des représentants du gouvernement, des collectivités locales et des comtés, tous ont affirmé que la Croatie en général et son système financier en particulier étaient encore hypercentralisés. C’est l’une des raisons pour lesquelles la réforme de décentralisation budgétaire, qui est la préoccupation majeure des interlocuteurs de la délégation, est en cours d’examen afin de faire évoluer la situation. Cette réforme implique : - de redéfinir le domaine de compétence des collectivités locales et régionales - de redéfinir les tâches des organes du pouvoir central en charge des relations financières - d’introduire un nouveau système de péréquation financière ou de modifier le système actuel - de modifier le système fiscal pour les collectivités de niveau inférieur - d’introduire de nouvelles règles budgétaires pour les collectivités de niveau inférieur ou de modifier les règles actuelles1.

 

Les rapporteurs considèrent que ce projet est un signe encourageant et ils souhaitent être tenus informés de son évolution. Cependant, leurs conclusions se limitent aux éléments recueillis lors de la visite de suivi et, sur cette base, au vu de ce qui précède, ils concluent au non-respect en Croatie de l’article 9, paragraphe 1, relatif aux ressources financières suffisantes des collectivités locales, du paragraphe 2 relatif à la proportionnalité des ressources financières avec les responsabilités des collectivités locales, du paragraphe 3 relatif au contrôle par les collectivités locales des redevances et impôts locaux, et du paragraphe 4 sur la connexité des revenus.


1Y compris dans les réponses écrites de l’Association des comtés de Croatie.

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


L’article 12 de la loi croate sur l’autonomie locale et régionale dispose qu’afin de promouvoir les intérêts communs et d’améliorer la coopération, les communes, les villes et les comtés peuvent établir une association nationale des communes, une association nationale des villes et une association nationale des comtés. L’association nationale sera établie si la décision est adoptée par plus e la moitié des collectivités locales et régionales concernées (ville, commune ou comté).

 

Il y a trois associations de collectivités en Croatie : l’Association des comtés de Croatie, l’Association des villes de la République de Croatie et l’Association des communes de la République de Croatie. Ces trois associations sont bien institutionnalisées et jouissent du statut d’association nationale. Elles jouent un rôle important dans la défense des intérêts de leurs membres, bien que la pratique d’un dialogue et d’une consultation avec le pouvoir central soit encore peu développée. Les trois associations s’accordent à dire que le pouvoir central montre peu de volonté politique de les associer à la prise de décisions. Elles ont été tenues à l’écart de processus décisionnels aussi importants que ceux sur la réforme de 2009 sur les salaires des collectivités locales et des comtés et sur la réforme de l’impôt sur le revenu. Les associations utilisent activement la Cour constitutionnelle et la coopération internationale pour promouvoir et protéger les collectivités associées et leurs intérêts. Elles entretiennent de bonnes relations entre elles et peuvent prendre des initiatives conjointes vis-à-vis du pouvoir central sur les questions qui les concernent toutes1.

 

Les articles 14, 15, 16 et 17 de la loi organique sur l’autonomie locale et régionale réglementent la coopération entre les collectivités locales en vue d’une mise en œuvre efficace des activités conjointes. Les communes ne sont pas tenues d’obtenir le consentement ou l’approbation des organes de l’administration d’Etat pour la coopération intercommunale relevant du domaine de l’autonomie2 Le gouvernement central encourage la mutualisation. Divers services communaux sont assurés conjointement à l’échelle régionale, comme les crèches, le nettoyage ou l’évacuation des eaux usées. Les communes de Croatie sont aussi autorisées à coopérer avec leurs homologues étrangers, les rapporteurs notant cependant qu’à ce jour le gouvernement n’a signé ou ratifié aucun des deux Protocoles à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière.

 

Au vu de ce qui précède, on peut affirmer que l’article 10, paragraphes 1, 2 et 3 de la Charte est pleinement respecté en Croatie.


1Réponses écrites de l’Association des comtés de Croatie.

2Egalement dans les réponses du ministère de l’Administration publique.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Voir réponse à l'article 10.1

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


Voir réponse à l'article 10.1

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


L’article 129 de la Constitution dispose que la Cour constitutionnelle de la République de Croatie « se prononce sur les recours constitutionnels contre les décisions individuelles prises par les services de l’État, les organes des collectivités régionales et locales autonomes et les personnes morales investies de la puissance publique, si ces décisions violent les droits de l’homme et les libertés fondamentales, ainsi que le droit à l’autonomie régionale et locale garanti par la Constitution de la République de Croatie ». Son article 137 précise ce qui suit : « En administrant les affaires relevant de leur compétence, les collectivités autonomes régionales et locales sont libres et soumises seulement au contrôle de constitutionnalité et de légalité des organes nationaux habilités ».

 

La Cour constitutionnelle, en cas de violation des droits, est habilitée à rendre une décision finale en matière de contrôle de légalité. Les collectivités locales peuvent s’adresser à la Cour constitutionnelle de deux manières. Aux termes de l’article 36 de la loi constitutionnelle sur la Cour constitutionnelle de la République de Croatie, « si l’organe représentatif de la collectivité locale et régionale de la République de Croatie considère qu’une loi portant sur l’organisation, la compétence ou le financement des collectivités locales et régionales n’est pas conforme à la Constitution, elle peut demander à la Cour constitutionnelle d’examiner la constitutionnalité de la loi en question ou de certaines de ses dispositions »1. L’article 38, paragraphe 1, de cette même loi dispose ce qui suit : « toute personne physique ou morale a le droit de proposer l’ouverture d’une procédure visant à contrôler la constitutionnalité d’une loi et la légalité et constitutionnalité d’une réglementation ».

 

Sur la base de l’article 36, entre 2010 et 2015, la Cour constitutionnelle a été saisie de 23 recours, qui n’ont cependant donné lieu à aucune procédure. Sur la base de l’article 38 relatif au contrôle de constitutionnalité, 108 recours ont été engagés devant la Cour constitutionnelle, dont 91 concernaient des textes législatifs adoptés et 17, des réglementations adoptées par des autorités de niveau divers. Concernant le contrôle administratif des collectivités locales entre 2010 et 2015, 21 recours ont été déposés : sur ce nombre, 18 ont fait l’objet d’une décision immédiate et trois sont en instance. Sur la même période, 240 recours concernant la constitutionnalité ont été déposés par des citoyens (personnes physiques) : 110 ont fait l’objet d’une décision et 130 sont en instance, dont 127 proviennent de la ville de Zagreb.

 

Il est à noter qu’avec l’entrée en vigueur de la loi sur le contentieux administratif (1er janvier 2012), la Haute Cour administrative a maintenant compétence pour contrôler la légalité des actes de portée générale des collectivités locales et régionales, des personnes morales dotées de pouvoirs publics et des personnes morales assurant des services publics. A ce titre, un arrêt de la Haute Cour administrative peut annuler un acte de portée générale ou certaines de ses dispositions, si elle établit que l’acte ou la disposition en question n’est pas conforme à la loi ou aux statuts de l’organe de droit public. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, la Cour constitutionnelle assurait le contrôle de toutes les réglementations locales, mais depuis 2003 elle ne contrôle plus que les statuts locaux.

 

La Haute Cour administrative joue aussi un rôle en matière de recours juridique concernant le contrôle de l’Etat, lorsque le ministère de l’Administration publique rend une décision déclarant nulle et non avenue la session de l’organe représentatif (le conseil). Bien qu’un recours contre cette décision ne soit pas possible, un contentieux administratif peut être engagé devant la Haute Cour administrative de la République de Croatie. La loi garantit aussi une protection juridique contre une décision gouvernementale de dissolution ou de révocation d’organes locaux, qui peut être contestée devant la Haute Cour administrative.

 

Les collectivités locales disposent par conséquent d’un droit de recours juridictionnel, et les rapporteurs concluent que les obligations contenues dans l’article 11 de la Charte sont pleinement respectées en Croatie.


1L’Association des villes de Croatie reproche à la Cour constitutionnelle de ne pas agir dans le délai de 30 jours lorsque la loi faisant l’objet du recours ne contient pas expressément les termes « collectivité locale et régionale » dans son intitulé.

Article 16.2
Clause territoriale - Non ratifié

Tout Etat peut, à tout autre moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, étendre l'application de la présente Charte à tout autre territoire désigné dans la déclaration. La Charte entrera en vigueur à l'égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire Général.


Article 16.3
Clause territoriale - Non ratifié

Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée, en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l'expiration d'une période de six mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.


Article 17.1
Dénonciation - Non ratifié

Aucune Partie ne peut dénoncer la présente Charte avant l'expiration d'une période de cinq ans après la date à laquelle la Charte est entrée en vigueur en ce qui la concerne. Un préavis de six mois sera notifié au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe. Cette dénonciation n'affecte pas la validité de la Charte à l'égard des autres Parties sous réserve que le nombre de celles ci ne soit jamais inférieur à quatre.


Article 17.2
Dénonciation - Non ratifié

Toute Partie peut, conformément aux dispositions énoncées dans le paragraphe précédent, dénoncer tout paragraphe de la partie I de la Charte qu'elle a accepté, sous réserve que le nombre et la catégorie des paragraphes auxquels cette Partie est tenue restent conformes aux dispositions de l'article 12, paragraphe 1. Toute Partie qui, à la suite de la dénonciation d'un paragraphe, ne se conforme plus aux dispositions de l'article 12, paragraphe 1, sera considérée comme ayant dénoncé également la Charte elle même.


Article 18
Notifications - Non ratifié

Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe notifie aux Etats membres du Conseil:

 

a toute signature;

 

b le dépôt de tout instrument de ratification, d'acceptation ou d'approbation;

 

c toute date d'entrée en vigueur de la présente Charte, conformément à son article 15;

 

d toute notification reçue en application des dispositions de l'article 12, paragraphes 2 et 3;

 

e toute notification reçue en application des dispositions de l'article 13;

 

f tout autre acte, notification ou communication ayant trait à la présente Charte.

 

 

En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Charte.

 

Fait à Strasbourg, le 15 octobre 1985, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l'Europe. Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des Etats membres du Conseil de l'Europe.


ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

L’article 133 précise : « Les citoyens ont le droit garanti à l’autonomie régionale et locale ». D’après cet article, le droit à l’autonomie locale et régionale est exercé par des organes représentatifs régionaux et locaux, composés de membres élus lors d’élections libres.



29Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
6 Articles non ratifiés
16Disposition(s) conforme(s)
5Articles partiellement conformes
9Disposition(s) non conforme(s)