Lettonie

Lettonie - Rapport de monitoring

Date de la visite de monitoring : du 12 au 14 septembre 2017
Date d'adoption du rapport: 27 mars 2018

Le présent rapport fait suite à la troisième visite de suivi en Lettonie depuis la ratification de la Charte européenne de l’autonomie locale en 1996.

 

Il met en évidence la situation globalement positive de l’autonomie locale en Lettonie. Le rapport souligne en particulier une grande autonomie des collectivités locales, un domaine large de compétences locales et une bonne pratique de dialogue entre le pouvoir central et les collectivités locales. Il salue en particulier le recours systématique dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle à la Charte, garantissant ainsi son applicabilité.

 

Les rapporteurs attirent toutefois l’attention des autorités nationales sur l’instabilité des finances locales et l’insuffisance du système de péréquation. Il est aussi pris note d’une pratique de « sur-réglementation » dans le domaine des fonctions « autonomes » des collectivités locales qui réduit de fait leur autonomie.

 

Ainsi, le Congrès recommande à la Lettonie une série de mesures visant à stabiliser les finances locales et à renforcer l’autonomie fiscale des collectivités locales. Il est également recommandé aux autorités nationales d’accroître la contribution de l’État au fonds de péréquation et de clarifier le système des compétences locales. Même si le système de consultation est jugé dans l’ensemble satisfaisant, les délais des mécanismes de consultation des collectivités locales pourraient être allongés afin d’en améliorer l’efficacité.

 

Le rapport réitère l’importance d’octroyer le droit de vote aux élections locales aux non-citoyens pour améliorer l’exercice des droits politiques de cette partie de la population.

 

Enfin, les rapporteurs encouragent la Lettonie à envisager la signature et la ratification du Protocole additionnel à la Charte européenne de l’autonomie locale sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales.

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Article ratifié Ratifié avec réserve(s) Non ratifié
Conformité Conformité partielle Non conformité A déterminer
Tout déplier
Tout replier
Article 2
Fondement constitutionnel et légal de l'autonomie locale - Article ratifié

Le principe de l'autonomie locale doit être reconnu dans la législation interne et, autant que possible, dans la Constitution.


En Lettonie, le principe de l’autonomie locale n’est pas expressément reconnu ni énoncé en tant que tel dans la Constitution. La Charte est entrée en vigueur en Lettonie en 1997 et elle est dès lors entrée dans « le droit du pays ». L’absence de toute mention expresse du principe de l’autonomie locale dans la Constitution n’a pas empêché la Cour constitutionnelle d’affirmer régulièrement ce principe dans sa jurisprudence. De fait, l’applicabilité directe de la Charte est garantie et reconnue par la Cour constitutionnelle, laquelle est d’ailleurs probablement la Cour constitutionnelle nationale ayant élaboré la jurisprudence la plus riche sur la reconnaissance et l’application de la Charte. Cette jurisprudence constitutionnelle se fonde sur les articles 1 et 101 de la Constitution (Satversme) (voir infra point 4.10).

 

Cette situation était aussi évoquée dans le rapport de suivi de 2011 du Congrès, et pour évaluer la conformité avec l’article 2 la délégation avait alors jugé suffisant que le principe soit protégé par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. Dans un souci de cohérence, les rapporteurs se rangent à cet avis, même s’il est évident que la jurisprudence d’une Cour constitutionnelle n’est pas nécessairement monolithique ni stable et qu’il y a un risque (fût-il théorique) que la Cour nuance ou tempère sa jurisprudence dans le temps.

 

Concernant la législation ordinaire, il est également à noter que le principe de l’autonomie locale en tant que tel n’est pas expressément formulé dans la législation nationale. Toutefois, l’article 5 de la loi sur les collectivités locales dispose clairement que « les collectivités locales, dans le cadre de leurs compétences et de la loi, agissent de manière indépendante », une formulation qui équivaut manifestement à une reconnaissance expresse de l’autonomie locale. De surcroît, l’idée que les collectivités locales jouissent d’une « indépendance » ou d’une « auto-administration » (pašvaldÄ«bas, en letton) transparaît dans le droit et l’organisation politique du pays.

 

Au vu de ce qui précède, on peut conclure que l’article 2 de la Charte est respecté en Lettonie, même s’il serait plus que souhaitable que les autorités lettones envisagent de modifier la Constitution ou la loi sur les collectivités locales afin d’y introduire expressément le principe de l’autonomie locale.

Article 3.1
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.


Concernant cette disposition de la Charte, la question principale consiste à s’interroger sur le point de savoir si actuellement, les communes de Lettonie règlent et gèrent « une part importante des affaires publiques ». Les rapporteurs considèrent que tel est le cas, au vu du nombre et de l’importance des compétences locales (voir infra point 3.3.2) et du fait que les collectivités locales sont dotées des compétences « administratives » ou publiques usuelles, telles que la compétence de promulguer des réglementations locales contraignantes et d’imposer des sanctions et des amendes aux personnes qui ne s’y conforment pas. De plus, les collectivités locales peuvent approuver différentes sortes de plans, dans lesquels elles peuvent définir librement des politiques publiques locales. Globalement, la plupart des décisions prises par les communes ne sont pas soumises à un contrôle « a priori » de la part des organes et services de l’État (voir infra).

 

Un autre indicateur de l’« importance » ou du rôle politique et social des collectivités locales dans un pays est la part des dépenses des collectivités locales au sein du budget public national consolidé, en comparaison en particulier avec les autres pays de l’Union européenne. De ce point de vue, les chiffres sont éloquents, car l’indice de la Lettonie est supérieur à la moyenne des chiffres de l’UE. Par exemple, en 2004 l’indice de la Lettonie était de 27,9 %, ce qui plaçait alors le pays au 10e rang dans l’UE. Quelques années plus tard (2012), cet indicateur était meilleur encore, puisque la Lettonie se classait alors au 8e rang parmi les pays de l’UE.

Article 3.2
Concept de l'autonomie locale - Article ratifié

Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d'organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là ou elle est permise par la loi.


La structure et l’organisation internes des collectivités locales sont régies par la loi sur les collectivités locales (articles 18 et suivants) et sont identiques pour les novadi (communes) et les pilsÄ“tas (villes). D’après ce cadre juridique, les principaux organes de la commune sont les suivants :

 

L’organe représentatif est le conseil (conseil de ville – conseil municipal), composé de « conseillers » ou « membres ». Le conseil local est l’organe délibératif et décisionnel, dont les membres sont élus par les citoyens de la commune, au scrutin secret, universel et direct. Les élections ont lieu tous les quatre ans à l’échelle nationale le premier samedi de juin, les dernières s’étant tenues en juin 2017 avec une participation de 50,39 %. Le taux de participation aux élections locales a évolué de 58,5 % en 1994 à 62 % en 2001 (plus haut niveau de participation) puis 46 % en 2013. En 2015, il a été de 25,1 %, soit le quatorzième taux le plus élevé dans l’UE.

 

Les élections locales sont régies par une loi distincte et spécifique, à savoir la loi du 13 janvier 1994 sur les élections des conseils de ville républicaine, telle qu’amendée. Cette loi définit aussi le nombre de membres des conseils locaux, qui est proportionnel à la population locale, bien que des règles différentes s’appliquent aux novads et aux pilsÄ“tas. Dans les communes ayant jusqu’à 5 000 résidents, 9 conseillers sont élus. Ceux-ci sont au nombre de 15 dans les communes de 5 001 à 20 000 résidents, de 17 dans les communes de 20 001 à 50 000 résidents et de 19 pour une population locale de plus de 50 000 résidents.

 

Dans le cas des pilsÄ“tas (villes), il y a 13 conseillers si la ville compte jusqu’à 50 000 résidents, et 15 conseillers au-delà de ce chiffre. Des règles spécifiques s’appliquent à Riga, qui compte 60 conseillers.

 

Tout citoyen letton ou citoyen d’un pays de l’Union européenne (dûment enregistré), ayant atteint l’âge de 18 ans et s’étant inscrit sur les listes d’électeurs au moins 90 jours avant le jour du scrutin, a le droit de voter aux élections locales. La loi sur les élections locales indique aussi qui peut se porter candidat à ces élections.

 

Le conseil local prend les principales décisions politiques touchant à la commune ou la ville : le budget local, les réglementations internes locales, le plan directeur local, les règlements locaux d’application générale, les plans locaux relatifs à l’économie et au développement, le nom des rues et des lieux publics, la rémunération des conseillers locaux et du maire, etc. La loi sur les collectivités locales énumère ainsi jusqu’à 27 compétences différentes des conseils, auxquelles s’ajoutent les autres compétences prévues éventuellement dans des législations sectorielles (article 21). Les sessions du conseil sont publiques. Le conseil local approuve ses propres réglementations internes et son propre règlement intérieur. Les conseils doivent se réunir au moins une fois par mois.

 

Le maire est la plus haute autorité exécutive de la commune. Ce terme est en italique afin de souligner que le droit letton n’emploie pas le mot « maire » ni aucun autre terme équivalent, mais celui de « président(e) du conseil », ce qui veut dire que le maire en Lettonie est en premier lieu le/la président(e) du conseil.

 

Le maire est élu par les membres du conseil local, dont il dirige et organise les travaux (convocation des réunions, préparation de l’ordre du jour, propositions de décisions, organisation des débats, etc.). Le maire représente la collectivité locale dans toute instance ou toute procédure. Il est responsable de l’exécution des décisions judiciaires touchant à la collectivité locale, etc. La loi sur les collectivités locales prévoit différentes compétences pour le président (article 62). Cependant, les maires lettons sont en réalité davantage que de simples « présidents » du conseil local : comme un professeur letton l’a souligné, ils exercent clairement une autorité politique et des fonctions exécutives.

 

Outre le conseil et son « président », la loi sur les collectivités locales prévoit d’autres instances, comme les commissions permanentes, et en particulier la commission permanente des finances, qui entre autres attributions prépare les avis sur les projets de budget ou des recommandations sur la gestion des biens publics locaux.

 

L’« exécution » des politiques et des décisions locales est confiée à des responsables élus ou nommés par le conseil et les institutions des collectivités locales. Au premier rang de ces responsables figure le « directeur exécutif ». Toutes les collectivités locales de plus de 5 000 résidents doivent se doter d’un directeur exécutif. Dans les autres collectivités locales, cette fonction peut aussi être exercée par le maire. Le directeur exécutif dirige l’administration locale et les fonctions exécutives. Par exemple, il peut conclure des contrats de faible valeur (voir l’article 69 de la loi sur les collectivités locales).

 

Outre les organes « formels » de prise de décisions, la législation lettone contient des dispositions spécifiques sur la participation des citoyens, pour laquelle il existe diverses modalités et procédures : outre le droit de vote ordinaire aux élections locales, les résidents d’une collectivité locale peuvent assister aux réunions du conseil local et ils ont accès à l’ordre du jour et au procès-verbal de ces réunions sur le site web de la commune. Les dirigeants locaux ont déclaré que la participation des citoyens était dans l’ensemble satisfaisante et qu’elle avait connu un essor remarquable ces dernières années en lien avec les procédures électroniques.

 

Au vu de ce qui précède, la délégation conclut que les dispositions de l’article 3 de la Charte sont respectées en Lettonie. 

Article 4.1
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences de base des collectivités locales sont fixées par la Constitution ou par la loi. Toutefois, cette disposition n'empêche pas l'attribution aux collectivités locales de compétences à des fins spécifiques, conformément à la loi


 Aux termes de la loi sur les collectivités locales, les compétences des collectivités locales de Lettonie sont de types divers (article 6) : a. les fonctions « autonomes » prescrites par cette loi ; b. les fonctions « autonomes » prescrites par une loi sectorielle ; c. les « fonctions administratives déléguées par l’État » ; d. les fonctions dont l’exercice a été transféré aux collectivités locales ; e. les « tâches administratives » assignées aux collectivités locales par l’administration de l’État ; f. les « fonctions autonomes » assurées en tant qu’initiatives volontaires.

 

Chacun des types de compétences ci-dessus est régi par un article différent de la loi sur les collectivités locales (articles 7 à 12). Chacun est supposé correspondre à sa propre source de financement.

 

Les élus locaux ont affirmé que cette classification n’était pas satisfaisante : d’une part, les types de compétences sont trop nombreux et ne sont pas toujours bien différenciés ; d’autre part – et c’est une critique plus grave – ces élus affirment que lorsque le législateur attribue des compétences aux collectivités locales dans la législation sectorielle, la catégorie dont elles relèvent n’est pas toujours clairement spécifiée. En d’autres termes, le législateur ne précise pas le type auquel appartient la nouvelle compétence attribuée. Cette situation est non seulement une source de confusion, mais elle a aussi un impact négatif sur le système de financement, car certaines compétences sont financées selon des règles précises tandis que les autres types de compétences le sont d’une manière différente.

 

Les compétences locales peuvent être classées en deux grands groupes : les fonctions « propres » (autonomes) et les fonctions « déléguées ». Il est également habituel de regrouper les compétences locales selon qu’il s’agit de « fonctions autonomes obligatoires », prescrites par la loi, de fonctions autonomes exercées en tant qu’initiatives volontaires ou de fonctions déléguées exercées au nom de l’État.

 

Les « fonctions autonomes » spécifiées par la loi sur les collectivités locales sont énumérées dans 22 sous-catégories, qui incluent notamment : la protection sociale ; les transports ; la voirie locale ; la culture ; le maintien des services publics ; l’éducation (préscolaire, primaire et secondaire) ; la protection de l’environnement et l’approvisionnement en eau ; la gestion des déchets ; la gestion des réseaux publics ; l’offre des services publics et la gestion des équipements locaux ; une « macro » catégorie incluant de nombreuses autres activités (voirie, éclairage, nettoyage, réparation, entretien, etc.) ; la participation au maintien de l’ordre public ; enfin, l’enregistrement des documents d’état civil.

 

Dans le domaine des compétences autonomes, il convient de noter ce qui suit : – Certaines compétences autonomes sont qualifiées de « pleines et entières », comme « enregistrer les enfants résidant sur le territoire de la collectivité locale ». D’autres compétences, au contraire, ne sont pas « pleines et entières », mais relèvent d’une « participation » ou d’une collaboration à l’offre d’un service public assuré par l’État, comme « participer à l’exécution des mesures de défense civile ». Quoi qu’il en soit, les compétences « pleines et entières » sont plus nombreuses que celles qui n’ont qu’un caractère partiel ou de « participation ». La loi dispose que les compétences autonomes doivent être exercées par les collectivités locales « conformément aux procédures énoncées dans les lois et les réglementations ministérielles pertinentes » (article 7.1). Cette disposition pose problème du point de vue de l’article 4 de la Charte, car le gouvernement peut établir des réglementations nombreuses et détaillées sur la manière dont les collectivités locales doivent exercer leurs compétences propres et assurer les services publics locaux. Une telle possibilité affecte gravement la capacité effective des collectivités locales à concevoir et mettre en œuvre des politiques publiques locales et amène même à se demander si les « fonctions autonomes » locales peuvent simplement être qualifiées de pleines et entières dans une situation de réglementation excessive. En effet, nos interlocuteurs ont cité de nombreux domaines dans lesquels le gouvernement adopte de telles réglementations, de sorte qu’en pratique la marge de discrétion des collectivités locales pour exercer leurs compétences propres et assurer la prestation des services publics s’en trouve fortement limitée. Plusieurs élus locaux ont indiqué qu’il y a chaque année plus de 400 nouvelles lois et environ 1 000 arrêtés ministériels, dont un grand nombre ont trait à des domaines confiés aux collectivités locales. Venant confirmer cette impression, des experts affirment par exemple que « la tendance à réglementer de plus en plus la mise en œuvre des fonctions des collectivités locales (…) est une réalité en Lettonie ». Les collectivités locales non seulement jouissent de « compétences » au sens ordinaire du terme, mais elles ont aussi une importante capacité juridique et de nombreuses compétences « exécutives » importantes, comme celle de décider de leur auto-organisation interne. Elles ont aussi la capacité juridique de créer des entreprises et des fondations locales, d’acquérir et de vendre des biens meubles et immeubles, d’instaurer des redevances locales et de décider des taux d’imposition, d’adopter des réglementations locales contraignantes et d’agir en justice. Outre les fonctions « autonomes », les collectivités locales peuvent se voir confier des tâches et fonctions « déléguées » par l’État. La loi pose clairement la condition ou l’exigence selon laquelle le gouvernement, lorsqu’il délègue de telles tâches, doit garantir les ressources nécessaires à leur exercice. Cette exigence est énoncée expressément dans deux dispositions distinctes de la loi sur les collectivités locales (article 11, deuxième alinéa, et article 13, premier alinéa). Cependant, certains interlocuteurs ont affirmé que le gouvernement n’accordait pas toujours un financement spécifique ou additionnel pour les tâches déléguées. Les collectivités locales de Lettonie ont aussi des compétences réglementaires étendues : elles peuvent approuver des réglementations locales contraignantes imposant des responsabilités, des conditions et des obligations pour les résidents locaux, ainsi que des sanctions administratives (par exemple des amendes) en cas de violation. Les domaines dans lesquels les collectivités locales peuvent approuver des réglementations sont relativement étendus, et définis à l’article 43 de la loi sur les collectivités locales. Ce sont par exemple les domaines suivants : la construction et l’urbanisme ; la protection et l’entretien des forêts et plans d’eau publics ; les marchés et activités commerciales dans les lieux publics ; l’ordre public ; les animaux domestiques ; l’utilisation des transports publics. Enfin, le système letton de gouvernance locale inclut une disposition hélas absente dans d’autres pays européens, et qui peut être qualifiée de « clause de compétence résiduelle générale ». Il s’agit de l’article 12 de la loi sur les collectivités locales, qui dispose que les villes et communes, dans l’intérêt des résidents locaux, « peuvent agir de leur propre initiative sur toute question qui n’est pas de la compétence » d’un autre organe ou d’une autre institution de l’État, « sous réserve que cette activité ne soit pas interdite par la loi » (article 12). Un exemple d’une telle « initiative » est la police locale, qui n’est pas une obligation pour toutes les communes de Lettonie. Cet aspect du système letton de gouvernance locale doit être salué. Il met la situation en Lettonie en conformité avec l’article 4, paragraphe 2, de la Charte.

 

En conséquence de ce système de « compétences », de « tâches » et d’« initiatives », la délégation note que le nombre des compétences autonomes définies dans la loi sur les collectivités locales est relativement important. De plus, toute loi sectorielle (par exemple dans le domaine des transports ou de l’urbanisme et de la gestion) peut attribuer d’autres fonctions autonomes aux collectivités locales. Ces compétences autonomes, auxquelles s’ajoutent des « fonctions » et « tâches » déléguées, forment un ensemble de compétences remarquable à la fois par leur nombre et leur importance. Si l’on compare cette liste de compétences avec la situation en vigueur dans de nombreux autres pays d’Europe, on constate aisément que les collectivités locales de Lettonie exercent un haut niveau de compétences, de sorte que l’article 2, paragraphe 1, et l’article 4 de la Charte sont amplement respectés en Lettonie.

 

Pour ces raisons, les rapporteurs concluent que la situation en Lettonie est conforme à l’article 4, paragraphe 1, de la Charte (et par conséquent à l’article 3). 

Article 4.2
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité


Voir réponse indiquée à l'article 4.1

Article 4.3
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

L'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens. L'attribution d'une responsabilité à une autre autorité doit tenir compte de l'ampleur et de la nature de la tâche et des exigences d'efficacité et d'économie.

 


Voir réponse indiquée à l'article 4.1

Article 4.4
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les compétences confiées aux collectivités locales doivent être normalement pleines et entières. Elles ne peuvent être mises en cause ou limitées par une autre autorité, centrale ou régionale, que dans le cadre de la loi.

 


Voir réponse indiquée à l'article 4.1

Article 4.5
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

En cas de délégation des pouvoirs par une autorité centrale ou régionale, les collectivités locales doivent jouir, autant qu'il est possible, de la liberté d'adapter leur exercice aux conditions locales.


Voir réponse indiquée à l'article 4.1

Article 4.6
Portée de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, autant qu'il est possible, en temps utile et de façon appropriée, au cours des processus de planification et de décision pour toutes les questions qui les concernent directement.

 


Les collectivités locales sont régulièrement consultées pour l’adoption de décisions sur les questions touchant à leurs intérêts et elles participent régulièrement aux processus décisionnels des institutions de l’État sur ces questions. Les consultations et la participation se font principalement par le biais de l’Association lettone des pouvoirs locaux et régionaux (LPS), conformément à l’article 96 de la loi sur les collectivités locales, bien que les collectivités locales soient libres d’avoir des activités de lobbying et de participation à titre individuel.

 

De plus, la consultation et la participation institutionnelles sont régies par deux dispositions majeures. D’une part, l’article 86 de la loi sur les collectivités locales dispose que le Cabinet doit s’entendre avec les communes sur les questions qui touchent à leurs intérêts, comme :

 

̶  les projets de lois et de réglementations du Cabinet concernant les communes ;

 

̶ le montant des subventions et des dotations spécifiques à attribuer aux communes pour chaque exercice financier et d’autres questions d’ordre financier qui seront examinées ci-dessous.

 

Il est à souligner que la loi prévoit non seulement le droit des collectivités locales d’être consultées (au sens d’être « entendues »), mais aussi l’obligation pour l’État de négocier voire de se « coordonner » avec elles. Cela signifie que le principe d’une participation authentique, approfondie et « contraignante » des collectivités locales aux décisions des autorités de l’État est omniprésent dans la loi.

 

La seconde norme juridique pertinente dans ce domaine est le règlement ministériel n° 585 du 6 juillet 2004. Ce règlement décrit plus en détail les questions sur lesquelles la consultation et la négociation sont obligatoires, ainsi que les modalités du processus de négociation. Il est ainsi prévu que :

 

̶  chaque année, au plus tard le 1er mars, la LPS doit soumettre aux ministères compétents les listes des responsables autorisés à participer aux négociations ;

 

̶  chaque année, au plus tard le 1er avril, les ministres doivent convenir avec la LPS des questions pour lesquelles une coordination est nécessaire et des modalités de leur examen ;

 

̶ chaque année, au plus tard le 1er août, des négociations doivent se tenir entre les ministères compétents et la LPS ;

 

̶  les résultats des négociations entre les ministères et la LPS doivent être consignés dans un procès-verbal. Lors de la procédure de consultation, les autorités nationales ont souligné que le procès-verbal des négociations entre le ministère des Finances et l’Association lettone des pouvoirs locaux et régionaux devait être rédigé en accord avec les autres ministères sur les questions financières et conformément aux exigences contenues dans la loi sur la structure administrative de l’État. Après la signature du procès-verbal, celui-ci doit être soumis au Cabinet conjointement avec le projet de loi sur le budget de l’État. Il est ensuite examiné et transmis à la Saeima conformément aux dispositions de l’article 13 de la loi sur les budgets des collectivités locales, et copie du procès-verbal est adressée aux autres ministères pour information ;

 

̶  de plus, le procès-verbal doit être publié sur le site web du ministère du Développement régional et des Collectivités locales dans un délai d’un mois après chaque négociation. Cette obligation accroît indubitablement le caractère « contraignant » des négociations, puisqu’elles sont rendues publiques ;

 

̶ le procès-verbal est adressé au Cabinet. Dans le domaine du financement, il est adressé concomitamment au projet de loi sur le budget de l’État et par la suite à la Saeima.

 

Sur ce sujet, les élus locaux rencontrés par la délégation ont fait deux observations principales. D’une part, et même s’ils sont satisfaits du système et des modalités actuelles de la participation, ils estiment que le gouvernement diffuse trop souvent ses propositions et projets dans des délais trop brefs pour soumettre des commentaires et des revendications (dans certains cas, ont-ils déclaré, le délai n’est que de quelques heures !). Il s’agit d’une plainte récurrente, formulée par plusieurs élus locaux. En pratique, cela signifie que les collectivités locales n’ont pas le temps de répondre aux propositions du gouvernement. Il s’agit d’une pratique regrettable qui pourrait assurément être améliorée. D’autre part, ces élus ont affirmé que lors des réformes territoriales, qui ont entraîné entre autres mesures la suppression de nombreuses collectivités locales, l’avis des pouvoirs locaux n’a pas suffisamment été pris en considération.

 

Au vu de ce qui précède, la délégation considère que la situation en Lettonie est conforme à l’article 4 de la Charte.

Article 5
Protection des limites territoriales des collectivités locales - Article ratifié

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.


Il n’est pas aisé de déterminer si l’article 5 de la Charte est actuellement respecté en Lettonie. En effet, depuis la fin des réformes territoriales en 2009, il n’y a pas eu d’initiative visant à modifier sensiblement les limites territoriales des collectivités locales et il n’y a donc eu que peu d’occasions d’appliquer cette disposition. Par le passé, il avait été reproché que cet article de la Charte n’était pas respecté. Par exemple, le rapport explicatif de la Recommandation 317(2011) sur la démocratie locale et régionale en Lettonie indique que « la délégation a pris note que la réforme avait été reçue avec une certaine part de méfiance et de résistance. Les autorités centrales ont été accusées de ne pas avoir suffisamment consultés leurs interlocuteurs ni discuté avec eux » (paragraphe 63).

 

Lors de cette visite, la délégation n’a entendu aucune plainte de la part de dirigeants politiques ou d’associations sur un éventuel non-respect de l’article 5 actuellement. Dans tous les cas, ni la Constitution ni la loi sur les collectivités locales ne contient de disposition spécifique à ce sujet.

 

En conclusion, l’article 5 de la Charte est respecté en Lettonie.

Article 6.1
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Sans préjudice de dispositions plus générales créées par la loi, les collectivités locales doivent pouvoir définir elles mêmes les structures administratives internes dont elles entendent se doter, en vue de les adapter à leurs besoins spécifiques et afin de permettre une gestion efficace.


Les collectivités locales de Lettonie sont dotées de compétences d’auto-organisation relativement étendues. L’article 14 de la loi sur les collectivités locales dispose que, dans l’exercice de leurs fonctions, « les collectivités locales ont le droit (…) d’établir des institutions locales, de créer des entreprises ou des fondations et des sociétés de capitaux » (alinéa a). De plus, aux termes de l’article 24 de cette loi, tout conseil local peut adopter des « réglementations de collectivité locale » dans lesquelles il définit « l’organisation et la structure administratives de la collectivité locale », les diverses commissions du conseil (y compris leurs compétences et leur mode d’organisation) et les « services organisationnels et techniques » de la collectivité locale.

 

Dans les territoires ruraux (pagasti) sur lesquels le centre administratif de collectivité locale n’est situé, les communes sont censées créer un bureau administratif local qui facilite les contacts entre la population rurale et la mairie. Ces bureaux déconcentrés sont placés sous l’autorité d’un directeur de territoire rural ou « directeur administratif », dont les fonctions sont énumérées à l’article 69 de la loi sur les collectivités locales.

 

Chaque ville ou commune a son propre bureau, composé d’agents administratifs chargés d’appliquer les instructions du président du conseil et du directeur exécutif. Dans la plupart des collectivités locales (du moins celles qui comptent plus de 5 000 habitants), l’administration municipale est dirigée, pour ses activités quotidiennes, par le directeur exécutif, lequel est nommé par le conseil sur proposition de son président. Le directeur exécutif est responsable devant le conseil. Le maire est à la fois le chef de l’administration et le président du conseil. Le directeur exécutif est placé sous l’autorité du maire et ses compétences s’étendent à tous les domaines définis par la loi sur les collectivités locales, certaines de ces compétences pouvant cependant être partagées avec d’autres organes exécutifs. L’ensemble de l’administration (y compris le directeur exécutif) est responsable devant le conseil.

 

Comme on le voit, les compétences d’auto-organisation des collectivités locales de Lettonie sont très étendues et ne sont limitées que par la loi sur les collectivités locales. Cette situation est conforme aux exigences contenues dans l’article 6.1 de la Charte.

Article 6.2
Adéquation des structures et des moyens administratifs aux missions des collectivités locales - Article ratifié

Le statut du personnel des collectivités locales doit permettre un recrutement de qualité, fondé sur les principes du mérite et de la compétence; à cette fin, il doit réunir des conditions adéquates de formation, de rémunération et de perspectives de carrière.


Les communes et les villes de Lettonie sont relativement autonomes (et même indépendantes les unes des autres) dans le domaine des ressources humaines et pour la gestion de leur personnel. Par exemple, elles peuvent nommer et révoquer librement leurs employés sans que l’approbation des autorités de l’État soit nécessaire. En règle générale, les agents des collectivités locales de Lettonie ne sont pas des « fonctionnaires », mais des agents contractuels. En matière de relations de travail, chaque collectivité locale est considérée comme une « entreprise » indépendante. Par conséquent, contrairement à ce qu’on observe dans d’autres pays (comme la France), il n’y a pas de fonction publique territoriale ni de « carrière professionnelle » dans le secteur local à l’échelle du pays.

 

Les grandes villes, comme Riga, concluent des conventions collectives avec les agents ou les syndicats locaux, qui sont signées par le président du conseil. Ces conventions régissent différents aspects parmi lesquels les conditions de travail, la durée du temps de travail, les salaires, etc., dans la limite des lois et réglementations générales du pays en matière d’emploi. Les petites communes suivent les lois et réglementations générales, assorties éventuellement de décisions de leur conseil. Elles peuvent aussi souscrire des conventions collectives définies au niveau national pour les communes.

 

Concernant la rémunération des agents locaux, depuis 2010 elle est laissée à la discrétion des collectivités locales. Son montant doit être fixé dans le cadre défini par la loi de 2009 sur la rémunération des responsables et employés des autorités publiques locales et de l’État.

 

Les représentants de la LPS ont indiqué que la situation était plus satisfaisante avant 2008, du fait que les collectivités locales jouissaient d’une autonomie et d’une liberté plus grandes pour définir les salaires de leurs agents. Après cette date, en raison de la crise économique, le Gouvernement a mis en œuvre une série de mesures d’austérité qui ont entraîné une plus grande rigidité et des restrictions. Les représentants ont jugé que la situation n’était pas satisfaisante, car en règle générale les collectivités locales ne peuvent pas recruter des personnels qualifiés, les salaires du secteur public local étant clairement inférieurs à ceux du secteur privé. Il a été indiqué aux rapporteurs que globalement les salaires étaient peu élevés et que l’emploi dans l’administration locale était habituellement peu attractif pour les jeunes diplômés. Lors de la procédure de consultation, les autorités nationales ont indiqué à la délégation que la rémunération des employés du secteur public et des collectivités locales était fixée par la loi sur la rémunération des responsables et employés des autorités publiques locales et de l’État. Cette loi dispose que le salaire mensuel des employés des collectivités locales ne doit pas dépasser les limites supérieures du salaire mensuel fixé pour un poste de difficulté et de responsabilité similaires au sein des institutions administratives. La loi définit aussi diverses primes pouvant être versées aux employés en complément de leur salaire (jusqu’à 60 % du salaire).

 

Nonobstant cette réserve, la délégation conclut que l’article 6, paragraphe 2, de la Charte est respecté en Lettonie.

Article 7.1
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Le statut des élus locaux doit assurer le libre exercice de leur mandat.


Pour ce qui concerne les conditions d’exercice des membres et du président du conseil local, il est à noter que les conseillers locaux présents lors des réunions du conseil ont droit à une indemnité. Le conseil se réunit au moins une fois par mois. De même la présence aux réunions des différentes commissions locales donne droit au versement d’une indemnité. Les représentants de la LPS ont considéré que le montant actuel de ces indemnités était raisonnable. Dans le cas des grandes villes (comme Riga), il y a aussi des conseillers locaux qui exercent cette fonction à plein temps. Ils reçoivent alors un salaire, dont le montant est fixé par le conseil. Concernant les conflits d’intérêts, lors du processus de consultation il a été indiqué à la délégation que diverses fonctions étaient incompatibles avec celles de président ou vice-président du conseil, et certaines autres avec la fonction de conseiller municipal.

 

Les maires sont rémunérés pour leur travail, conformément aux dispositions de l’article 63 de la loi sur les collectivités locales. Ils reçoivent une rémunération dont le montant est fixé par le conseil conformément à la loi sur la rémunération des responsables et employés des autorités publiques locales et de l’État. Les conseils locaux déterminent la rémunération du président dans le contexte et dans la « fourchette » définis par cette loi et en application des réglementations ministérielles. Par conséquent, les salaires ne sont pas les mêmes dans tout le pays et ils varient en fonction de plusieurs facteurs (comme la population locale). Ces rémunérations ont été jugées insuffisantes dans les petites communes, et raisonnables dans les villes. Les élus locaux bénéficient en outre d’une protection sociale en cas de perte d’emploi.

 

Par conséquent, et bien que la situation soit peut-être perfectible, la délégation conclut que l’article 7 de la Charte est respecté en Lettonie.

Article 7.3
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Les fonctions et activités incompatibles avec le mandat d'élu local ne peuvent être fixées que par la loi ou par des principes juridiques fondamentaux.


Voir réponse indiquée à l'article 7.1

Article 7.2
Conditions de l'exercice des responsabilités au niveau local - Article ratifié

Il doit permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l'exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante.


Voir réponse indiquée à l'article 7.1

Article 8.1
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif sur les collectivités locales ne peut être exercé que selon les formes et dans les cas prévus par la Constitution ou par la loi.


En Lettonie, le contrôle des collectivités locales par l’État est assuré par divers organes et institutions. Le contrôle des ministères et services de l’État sur les collectivités locales est très limité, et encadré strictement par la loi. Tout d’abord, le ministère de tutelle généralement en charge du contrôle des collectivités locales est le ministère de la Protection de l’environnement et du Développement régional (ci-après « le MPEDR »). Il peut paraître étrange qu’un ministère ayant cet intitulé soit chargé de contrôler les collectivités locales. La raison tient au fait que ce ministère résulte de la fusion de deux anciens ministères, dont l’un était chargé de cette tâche. Au sein du MPEDR, un Département général est spécifiquement responsable de cette activité de contrôle.

 

Le MPEDR exerce un contrôle limité sur les collectivités locales, du fait que leur autonomie est garantie par la loi. Le ministère ne peut annuler, révoquer ni suspendre les décisions individuelles ou spécifiques adoptées par les organes locaux (actes administratifs). La personne ou l’entreprise affectée par une décision peut engager une action contre l’organe local devant le tribunal administratif.

 

Dans le cas des réglementations locales contraignantes adoptées par le conseil, les modalités applicables au contrôle sont différentes, mais là encore le contrôle du MPEDR sur les organes locaux est uniquement un contrôle de légalité réalisé a posteriori. Chaque fois qu’une collectivité locale approuve une réglementation locale contraignante, elle doit en adresser un exemplaire au MPEDR, accompagné de son exposé des motifs, pour avis. Le projet est analysé d’un point de vue juridique (défaut de compétence, violation de la législation ou de la réglementation nationale, etc.) pendant une période de trente jours. Si, dans ce délai, le ministère ne rend pas un avis mentionnant des objections à la réglementation locale, la collectivité locale peut publier celle-ci au Journal officiel (Latvijas VÄ“stnesis). Si le ministère constate un problème de légalité, il transmet un avis dans ce sens à la collectivité locale, laquelle peut modifier le règlement conformément à l’avis ministériel, après quoi la réglementation locale peut être promulguée.

 

Si le conseil local refuse de modifier le règlement en question, le ministère peut suspendre le texte au moyen d’un arrêté argumenté, qui sera publié au Journal officiel. Le président du conseil doit alors convoquer une réunion extraordinaire du conseil afin d’examiner la situation, réunion dont le ministre doit être informé. Si le conseil local décide de ne pas révoquer ni modifier le règlement local conformément à l’arrêté ministériel, il doit soumettre une requête à la Cour constitutionnelle concernant la révocation de l’arrêté suspensif du ministre. L’arrêté reste alors en vigueur jusqu’à la proclamation de la décision de la Cour constitutionnelle. Il a été indiqué à la délégation qu’au cours de ce processus il existe des pourparlers et un dialogue informels entre les collectivités locales et le MPEDR. Cette procédure est régie par les articles 45 et 49 de la loi sur les collectivités locales.

 

Dans l’ensemble, le système actuel de contrôle inter-administratif de la part des ministères nationaux ne semble pas susciter d’inquiétude ni de controverse parmi les collectivités locales, qui se sentent libres de prendre les décisions qu’elles jugent les plus appropriées. La plupart des interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs ont indiqué qu’ils n’avaient connu aucune tentative réelle de contrôle illicite de la part des autorités de l’État et que le contrôle portait sur la légalité.

 

Il existe aussi deux mesures extraordinaires que les autorités de l’État peuvent adopter dans ce domaine. La première est la révocation du président du conseil, en cas de manquement à ses devoirs ou de graves irrégularités dans son comportement. La décision de révocation d’un « maire » est adoptée par le MPEDR à la suite de la procédure contradictoire requise (en vertu de l’article 91 de la loi sur les collectivités locales). Une fois cette décision adoptée par le ministre, l’intéressé peut la contester devant la juridiction compétente.

 

La seconde forme de contrôle extraordinaire pouvant être exercé par l’État sur une collectivité locale est la dissolution du conseil local. Cette décision doit être adoptée au moyen d’une loi de la Saeima, bien que le MPEDR soit chargé d’engager la procédure. Ce dispositif est strictement limité aux cas de grave dysfonctionnement du conseil local ou aux manquements répétés au respect de la Constitution ou à l’exécution de décisions de justice. Les représentants du ministère ont indiqué qu’en 25 ans il n’y avait eu que deux cas de dissolution d’un conseil local en Lettonie.

 

Également au niveau des ministères d’État, et mis à part le MPEDR, les collectivités locales de Lettonie peuvent aussi être contrôlées par le ministère des Finances, qui surveille le processus d’engagement des collectivités locales concernant les emprunts et les garanties conformément à la procédure établie et analyse régulièrement la situation financière des collectivités locales sur la base de rapports mensuels. Le ministère des Finances mène les activités susmentionnées afin de ne pas avoir à lancer la procédure de stabilisation financière prévue lorsqu’une commune rencontre des difficultés financières exceptionnelles. La procédure de stabilisation est appliquée conformément à la loi sur la stabilisation des finances et le contrôle des activités financières des collectivités locales. Cette loi vise à réglementer les procédures de stabilisation des finances des collectivités locales, en vue de garantir l’exercice continu des fonctions locales prévues par la loi en cas de difficultés financières extrêmes d’une collectivité locale. La procédure prescrite par la loi prévoit un suivi strict en vue du redressement de la situation financière de la collectivité locale concernée. Outre les ministères d’État, les collectivités locales peuvent aussi être contrôlées par le Bureau d’audit de l’État (ci-après « le BAE »), par l’Agence anticorruption et même par l’Autorité de la concurrence. Puisque ces deux dernières instances n’exercent qu’une influence marginale dans ce domaine, nous nous intéresserons surtout aux activités du BAE.

 

Le BAE de Lettonie joue un rôle important dans le contrôle de la comptabilité, du budget et des dépenses publiques des collectivités locales, rôle qui a encore été renforcé par les mesures récentes adoptées en lien avec la crise économique et la maîtrise du déficit. Le BAE est un organe indépendant qui présente ses rapports à la Saeima. Il contrôle toutes les entités du secteur public, et évidemment toutes les collectivités locales et leurs entreprises commerciales, fondations ou structures. L’article 74 de la loi sur les collectivités locales dispose que « le BAE, dans le domaine de ses compétences, supervise les actions des collectivités locales dotées de moyens financiers et de biens ». Dans l’exercice de ses fonctions, le BAE mène d’une part des audits financiers et d’autre part des audits de conformité et de performance.

 

Dans le domaine des audits financiers, la principale forme de contrôle des finances des collectivités locales consiste en un audit obligatoire réalisé par un cabinet d’audit privé, en complément des activités du BAE. Il existe en Lettonie deux formes principales de contrôle financier des collectivités locales : (a) un contrôle interne effectué à la fois par la commission des finances, l’une des commissions permanentes devant être créées dans chaque collectivité locale (article 51 de la loi sur les collectivités locales ; l’article 60 de cette même loi énumère ses compétences), et la commission d’audit, laquelle n’est pas un organe obligatoire et se rencontre plus souvent dans les villes que dans les petites communes. On voit ainsi que le système repose sur la responsabilité du dirigeant élu, puisqu’il n’existe pas d’inspection interne chargée de vérifier ex ante la régularité des dépenses ; (b) cependant, la principale forme de contrôle financier des collectivités locales est un audit annuel obligatoire effectué par un cabinet d’audit privé et portant sur les comptes des collectivités locales.

 

Concernant les autres types d’audit, le BAE contrôle l’économie, l’efficacité et l’efficience des collectivités locales dans un secteur ou un domaine donné ou sur une question précise. La législation permet au BAE de peser sur le contenu de décisions politiques locales. Par exemple, le BAE s’est intéressé à la capacité des collectivités locales à proposer à leurs résidents des services à un coût raisonnable. Il évalue la capacité des communes et des villes à exercer leurs compétences propres et celles qui leur sont transférées par l’État. Le BAE n’a cependant pas le pouvoir de geler ou de suspendre une dépense publique d’une collectivité locale et il ne peut pas déclarer ni imputer de responsabilités concernant des agents locaux. Si une infraction pénale est constatée, le cas est signalé aux autorités de poursuites pénales. Le BAE formule par ailleurs des recommandations sur la budgétisation, les dépenses et la gestion financière. L’Association lettone des pouvoirs locaux et régionaux a affirmé qu’en l’état actuel de la législation le BAE pouvait exercer une influence de fait sur le contenu de décisions politiques locales.

 

Au vu de ce qui précède, la délégation conclut que les dispositions de l’article 8 de la Charte sont respectées en Lettonie.

Article 8.2
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Tout contrôle administratif des actes des collectivités locales ne doit normalement viser qu'à assurer le respect de la légalité et des principes constitutionnels. Le contrôle administratif peut, toutefois, comprendre un contrôle de l'opportunité exercé par des autorités de niveau supérieur en ce qui concerne les tâches dont l'exécution est déléguée aux collectivités locales.


Voir réponse indiquée à l'article 8.1

Article 8.3
Contrôle administratif des actes des collectivités locales - Article ratifié

Le contrôle administratif des collectivités locales doit être exercé dans le respect d'une proportionnalité entre l'ampleur de l'intervention de l'autorité de contrôle et l'importance des intérêts qu'elle entend préserver.


Voir réponse indiquée à l'article 8.1

Article 9.8
Les ressources financières des collectivités locales - Non ratifié

Afin de financer leurs dépenses d'investissement, les collectivités locales doivent avoir accès, conformément à la loi, au marché national des capitaux.


Comme il a été souligné (supra), la Lettonie n’est pas liée par l’article 9, paragraphe 8, de la Charte. Les interlocuteurs de la délégation ont exprimé des avis divers concernant l’opportunité ou non d’une ratification de cette disposition par la Lettonie. Par exemple, le ministère des Finances a déclaré que l’initiative devrait venir de la LPS. Le BAE a affirmé que, de son point de vue, avant de ratifier cette disposition et d’ouvrir le marché des capitaux, il serait nécessaire d’améliorer la responsabilité financière des collectivités locales. Le MPEDR s’est déclaré défavorable à la ratification, de même que le Parlement, les députés rencontrés par la délégation y étant hostiles. Par exemple, ils ont déclaré que lorsqu’une collectivité locale demande un prêt, la République de Lettonie se porte garante ou caution de ces engagements financiers, et que l’État devrait donc exercer un certain contrôle. De plus, ils ont indiqué que les modalités actuelles sont nécessaires pour lutter efficacement contre le déficit public. Pour ce qui est des élus locaux, certains ont indiqué être favorables à cette possibilité, d’autres estimant au contraire qu’elle n’était pas nécessaire du fait que les modalités actuelles fonctionnent bien, en particulier l’assistance financière fournie par l’établissement de crédit public.

 

Indépendamment de la ratification éventuelle de l’article 9, paragraphe 8, de la Charte, la situation actuelle en matière d’emprunt des collectivités locales peut être sommairement décrite comme suit : tout d’abord, depuis 2009 (du fait de la crise économique), la capacité des collectivités locales de Lettonie à emprunter ou prendre des engagements financiers à long terme est limitée. Des restrictions strictes s’appliquent à tous les types d’emprunts pour les collectivités locales. Ainsi, celles-ci n’ont le droit d’emprunter à long terme que pour financer des projets d’investissement (infrastructures), et non des coûts de fonctionnement, et elles peuvent demander un emprunt à court terme remboursable avant la fin de l’exercice.

 

Tous les emprunts doivent être approuvés par une commission spéciale créée au sein du ministère des Finances. Les collectivités locales sont censées emprunter de préférence auprès du Trésor public, ce qui signifie qu’elles n’ont pas accès aux marchés financiers privés. Elles ne peuvent contracter des crédits auprès de banques privées (nationales) que si les conditions de prêt sont plus avantageuses que celles du Trésor public. Dans ce cas également, le contrat doit avoir l’aval du ministère des Finances. Lors du processus de consultation, les autorités nationales ont indiqué aux rapporteurs que toutes les demandes de prêt sont soumises à l’approbation d’une commission créée par le ministère des Finances, en vue d’évaluer la capacité des communes à assumer de nouvelles obligations et la conformité des demandes de prêt avec les conditions statutaires applicables aux emprunts. Les communes, en cas de décision positive de cette commission, peuvent emprunter auprès du Trésor ou de la Banque commerciale si les conditions de ces derniers sont plus favorables que celles des prêts accordés sur le budget de l’État. De plus, les communes, de même que les institutions de l’État et les sociétés de capitaux, doivent gérer les ressources financières et les biens de manière rationnelle. En d’autres termes : a. les actions doivent viser à atteindre l’objectif en utilisant le minimum de ressources financières et de biens ; b. les biens doivent être hypothéqués ou transférés pour possession ou usage par d’autres personnes au prix le plus élevé ; c. la possession ou l’usage de biens devront être acquis au prix le plus bas. Par conséquent, la législation permet aux collectivités locales d’emprunter auprès d’une banque commerciale, dans le respect strict des conditions, y compris l’utilisation rationnelle et économique des ressources financières.

 

Par ailleurs, l’emprunt local pour une année donnée ne peut pas excéder 20 % des revenus budgétaires de la collectivité locale sur l’exercice. Chaque année, la loi sur le budget de l’État définit les limites à l’emprunt des collectivités locales et les finalités pour lesquelles les collectivités locales peuvent demander des prêts et des crédits. Ces « finalités » font l’objet d’une discussion et éventuellement d’un accord entre le ministère des Finances et la LPS. Par exemple, en 2016 le montant total des ressources que les collectivités locales pouvaient emprunter a été fixé à 200 millions €, et à 196 M € pour 2017 (plan initial). En 2017, les collectivités locales ont pu emprunter des ressources financières pour des projets d’investissement relatifs aux « finalités » et objectifs suivants : les programmes d’investissement pour les établissements scolaires (environ 79 M €) ; les projets cofinancés par l’UE (environ 55 M €) ; les projets liés à la voirie (environ 30 M €) ; les infrastructures sportives (3,6 M €). Dans le même temps, la loi sur le budget de l’État pour 2017 dispose qu’une collectivité locale peut emprunter entre 250 000 € et 400 000 € pour la mise en œuvre d’un projet de son choix.

 

Pour ce qui concerne l’endettement des collectivités locales, en 2015 il a été estimé à 1 456,2 millions €, ce qui représentait 6 % du PIB. En 2014, ce chiffre était de 1 426 millions € (également 6 % du PIB). Afin d’évaluer la situation, il convient d’avoir à l’esprit le montant général de la dette publique en Lettonie : fin 2015, il était de 8 953,3 millions € (36,9 % du PIB), et fin 2014 il était de 9 668,5 millions € (40,9 % du PIB). Par conséquent, la dette locale ne paraît pas constituer un problème très grave.

 

Au vu de ce qui précède, la délégation estime que les exigences contenues dans l’article 9, paragraphe 8, de la Charte ne sont pas respectées en Lettonie. Cependant, cette disposition n’étant pas ratifiée par la Lettonie, ne fera pas l’objet de recommandation.

Article 9.7
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Dans la mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L'octroi de subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.6
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales doivent être consultées, d'une manière appropriée, sur les modalités de l'attribution à celles ci des ressources redistribuées.


Les collectivités locales de Lettonie sont amplement consultées par les organes et institutions de l’État dans le domaine des finances. Le système général de consultation et de participation des collectivités locales aux décisions des organes de l’État a déjà été présenté (supra point 4.3). Il convient de compléter cette description du mode de consultation pour ce qui concerne le domaine financier. Aux termes de la loi sur les collectivités locales (article 86), le Cabinet des Ministres doit s’entendre avec les collectivités locales sur les questions financières suivantes : le montant des subventions et des dotations réservées devant être allouées aux communes lors de l’exercice budgétaire suivant ; la procédure de péréquation des ressources financières municipales, si elle n’est pas définie par la loi ; les sources de financement des nouvelles fonctions autonomes attribuées aux collectivités locales par les lois sectorielles ;

 

Lors de ces consultations, pourparlers et négociations, les collectivités locales sont représentées par la LPS, conformément à l’article 96 de la loi sur les collectivités locales.

 

Par ailleurs, et conformément au règlement n° 585 du Cabinet (voir le point 4.3 ci-dessus), le ministère des Finances représente le Cabinet pour la coordination des questions suivantes : les montants des dotations réservées devant être transférées aux collectivités locales pour l’exercice en cours ; les procédures de péréquation des ressources financières des collectivités locales ; les sources de financement nécessaires pour l’exercice des « nouvelles » fonctions autonomes attribuées en vertu de lois sectorielles nouvellement adoptées. Les résultats des négociations sont consignés dans un « protocole sur les accords et désaccords », qui fait partie intégrante du budget de l’État.

 

Outre cette reconnaissance formelle et légale, le mode de négociation/consultation semble bien fonctionner, de manière efficace et fructueuse. D’après les chiffres du ministère des Finances, en 2017 un accord a été trouvé entre les collectivités locales et le gouvernement sur 80 % des questions incluses dans le programme de négociations. Depuis la visite, les autorités nationales ont indiqué à la délégation que le protocole ne comportait qu’un seul point de désaccord, qui avait été réglé par le Parlement lors de l’examen du budget de l’État pour 2018. Par ailleurs, la délégation n’a eu connaissance d’aucune réclamation concernant le système de la part d’élus locaux.

 

Par conséquent, les rapporteurs considèrent que l’article 9, paragraphe 6, de la Charte est clairement respecté en Lettonie.

Article 9.5
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

La protection des collectivités locales financièrement plus faibles appelle la mise en place de procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes destinées à corriger les effets de la répartition inégale des sources potentielles de financement ainsi que des charges qui leur incombent. De telles procédures ou mesures ne doivent pas réduire la liberté d'option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité.


Comme dans de nombreux autres pays d’Europe, le système letton de finances locales comprend un mécanisme de péréquation, appelé Fonds de péréquation financière des collectivités locales. Ce fonds vise à réduire les disparités entre collectivités locales. Il est régi par la loi de 2015 sur la péréquation financière des collectivités locales. Depuis 2016, un nouveau mécanisme de péréquation vise à donner aux collectivités locales une capacité égale à assurer leurs fonctions obligatoires et à promouvoir leur initiative. Le mécanisme corrige les disparités entre les collectivités locales concernant les revenus provenant de l’impôt sur le revenu des ménages et de la taxe foncière. Il s’appuie sur des indicateurs permettant de déterminer les dépenses des collectivités locales. La péréquation financière est effectuée d’après le revenu moyen estimé et la dotation sur le budget de l’État réduit l’écart de revenus entre les collectivités locales les plus pauvres et les plus prospères, ce qui signifie que l’État accorde une dotation budgétaire plus importante aux communes ayant de faibles revenus, et par conséquent à celles dont la situation est la plus défavorable.

 

Afin de calculer le montant de la péréquation pour chaque collectivité locale, le système applique une formule complexe prenant en compte plusieurs variables et coefficients. La nouvelle réglementation a introduit de nouveaux critères, indicateurs et coefficients, principalement d’ordre démographique, qui permettent de déterminer la part due à chaque collectivité locale. D’après le ministère des Finances, le nouveau système est plus simple et plus transparent. Cinq critères sont utilisés : (a) le nombre d’habitants (avec un coefficient 1) ; (b) le nombre d’enfants de 0 à 6 ans (coefficient 2,34) ; le nombre d’enfants et de jeunes de 7 à 18 ans (coefficient 3,26) ; le nombre d’habitants ayant atteint l’âge de la retraite (coefficient 0,74) ; la superficie de la collectivité locale, exprimée en kilomètres carrés (coefficient de 1,52). Le budget total du Fonds est de 162,9 M € en 2017. L’Association lettone des pouvoirs locaux et régionaux conteste cependant ce chiffre. Elle a déclaré à la délégation qu’en réalité le budget du Fonds était bien supérieur (60 % de l’impôt sur le revenu des ménages et de la taxe foncière + une petite contribution sur le budget de l’État). Le chiffre de 162,9 M € correspond à la part redistribuée, l’autre part étant restituée aux collectivités locales qui l’ont apportée.

 

Le Fonds est financé conjointement par l’État et les collectivités locales. D’après les données fournies par le ministère des Finances, la dotation de l’État est de 35,7 M € par an, tandis que la contribution conjointe des collectivités locales est de 127,2 M €. La contribution spécifique de chaque collectivité locale dépend de sa « richesse ». Par conséquent, il y a des « contributeurs nets » et des « bénéficiaires nets » (les collectivités qui ne contribuent pas au fonds). Il a été indiqué à la délégation que la Saeima compte seulement 15 contributeurs nets, contre 104 collectivités qui reçoivent une dotation du fonds. D’après la LPS, le système de péréquation n’est pas équitable pour trois raisons : (a) la contribution des collectivités locales est excessive et celle de l’État est trop faible ; (b) le nombre des contributeurs nets est trop faible, de sorte que l’effort de redistribution est partagé entre un trop petit nombre de collectivités locales ; (c) la situation et les spécificités des petites communes rurales ne sont pas suffisamment prises en considération.

 

Au vu de ce qui précède, la délégation estime que l’article 9, paragraphe 5, de la Charte est respecté en Lettonie, bien que la situation soit assurément perfectible (voir les recommandations).

Article 9.3
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d'impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.2
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 9.1
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences.


Tout d’abord, il est à noter que le système letton de financement des collectivités locales est homogène à l’échelle du pays. Il n’y a aucune spécificité ou différence entre les communes ordinaires et les « villes ». Outre la loi sur les collectivités locales, les principaux textes législatifs dans ce domaine sont la loi de 1994 sur les budgets et la gestion financière, la loi de 1995 sur les budgets des collectivités locales, telle qu’amendée, la loi de 2015 sur la péréquation financière des collectivités locales et la loi de 1995 sur les taxes et redevances, telle qu’amendée.

 

Les principales sources de revenus locaux se composent des recettes fiscales, des recettes non fiscales et des transferts. D’un point de vue technique, il n’existe pas de « véritables » impôts locaux en Lettonie, mais uniquement des parts sur la collecte de certains impôts nationaux. La structure des recettes des collectivités locales (2017) est la suivante : (a) recettes fiscales : 63,5 % ; (b) transferts, 29,4 % ; (c) recettes autonomes : 5,2 %; (d) recettes non fiscales : 1,8 % ; (e) donations : 0,1 % ; assistance financière étrangère : 0,1 %. D’après le ministère des Finances, ces ressources sont suffisamment diversifiées. Lors de la procédure de consultation, l’Association lettone des pouvoirs locaux et régionaux a souligné que sur ces 63,5 %, seulement 40 % vont directement aux collectivités locales, dont les résidents produisent ces impôts (les recettes fiscales propres représentent 25,4 % de l’ensemble des recettes). Une autre part est redistribuée au moyen du système de péréquation. L’Association considère donc que l’autonomie financière n’est pas satisfaisante.

 

Les différentes sources de financement des collectivités locales de Lettonie peuvent être décrites comme suit :

 

i. Recettes fiscales

 

Elles constituent la principale source de revenus des collectivités locales. En termes quantitatifs, le montant total des recettes fiscales des collectivités locales était de 1 174,4 M € en 2012 ; 1 256,2 M € en 2013 ; 1 316,4 M € en 2014 ; 1 362,8 M € en 2015 ; 1 469 M € en 2016 et 1 548 M € en 2017 (projection). Comme on l’a vu, il n’y a pas d’impôts locaux au sens technique du terme. Les collectivités locales reçoivent un pourcentage (une part) de certains impôts nationaux, cette part étant de 100 % dans le cas de la taxe foncière. En d’autres termes, chaque collectivité locale reçoit un certain pourcentage des impôts collectés sur son territoire. Les impôts partagés sont les suivants :

 

L’impôt sur le revenu des ménages : il s’agit d’un impôt national, réglementé et collecté au niveau de l’État. Depuis 2015, le Service national des impôts est chargé de le collecter. Le montant total de cet impôt collecté dans une collectivité locale donnée lui est ensuite partiellement redistribué, sur la base de critères de résidence (nombre d’habitants de jure). En 2017, chaque collectivité locale recevra 80 % de cet impôt collecté sur son territoire (projection)[2]. En conséquence, une collectivité locale ayant des résidents aisés recevra plus qu’une collectivité similaire ayant des habitants aussi nombreux mais moins aisés. On peut donc se demander si ce type de revenu est en réalité une véritable « recette fiscale » au sens technique du terme ou s’il s’agit plutôt d’un « transfert » de l’État. Quoi qu’il en soit, d’un point de vue quantitatif, l’impôt sur le revenu des ménages est la plus importante source de « recettes fiscales » pour les collectivités locales. Il représente 84,8 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.

 

La taxe foncière : cette taxe nationale frappe la totalité des terrains et des bâtiments, qu’ils soient utilisés à des fins commerciales ou d’habitation (depuis 2010). Son taux est encadré par les lois et réglementations de l’État sur la base de la valeur cadastrale du terrain ou de la construction. Les communes collectent la taxe foncière et jouissent d’une latitude limitée pour déterminer son taux. Par exemple, elles peuvent décider de réduire le taux général jusqu’à un certain montant, une possibilité que certaines collectivités locales utilisent pour revitaliser l’activité économique ou pour attirer de nouveaux résidents. Les collectivités locales reçoivent 100 % de la taxe foncière collectée, laquelle est donc probablement celle qui s’approche le plus de la notion d’impôt local. En 2017, elle représente environ 13,8 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.

 

Les taxes sur les jeux de hasard et les paris : les collectivités locales reçoivent une part de 25 % de cette taxe. En 2017, elle représente 0,5 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.

 

La taxe sur les ressources naturelles : les collectivités locales reçoivent une part de différentes taxes, parmi lesquelles la taxe sur la pollution (60 %), la taxe sur les déchets radioactifs (30 %) et 100 % de la taxe sur l’incinération des déchets dangereux. En 2017, cette source représente 0,9 % de l’ensemble des recettes fiscales du budget des collectivités locales.

 

Outre les véritables « recettes fiscales », les communes et les villes (en vertu de la loi sur les taxes et redevances) peuvent collecter des recettes à caractère fiscal provenant de divers droits et redevances dont elles peuvent déterminer les taux. Ces droits et redevances peuvent frapper diverses activités : certains services assurés par l’administration locale ; la délivrance de documents et certificats officiels ; l’exercice d’activités commerciales dans des lieux publics ; la propriété d’animaux ; l’affichage de messages publicitaires ; la délivrance de permis de construire ou d’autres autorisations, etc.

 

ii. Transferts

 

Transferts et subventions sur le budget de l’État

 

En Lettonie, la plupart des dotations de l’État aux collectivités locales sont des dotations réservées, c’est-à-dire accordées à des fins spécifiques. En règle générale, ces fins « spécifiques » correspondent à des fonctions que les collectivités locales sont tenues d’assurer en vertu d’obligations légales. Ces transferts incluent notamment les dotations pour la rémunération des enseignants, le ramassage scolaire, l’entretien et la construction des routes et les projets de cofinancement au moyen des fonds de l’UE. La seule dotation non réservée est la contribution de l’État au Fonds de péréquation financière des collectivités locales, présenté ci-après.

 

Depuis plusieurs années, la part des transferts dans la structure totale des finances locales est supérieure à 20 % (29,4 % en 2017, projection). En 2014, les transferts du budget de l’État vers les budgets des collectivités locales (y compris le financement pour les projets politiques de l’UE et les autres projets d’assistance financière externe) ont été de 605 millions €. Cela représente 2,6 % du PIB. En 2015, ce chiffre était de 603 millions €, soit 2,5 % du PIB.

 

Fonds de l’Union européenne

 

Les collectivités locales peuvent bénéficier de plusieurs fonds de l’UE prévus dans les domaines du développement urbain, du développement rural et d’autres domaines liés à la vie municipale. Cependant, ces recettes ne sont ni stables ni périodiques et dépendent de nombreux facteurs sur lesquels les communes n’ont le plus souvent aucune prise. De plus, certains élus locaux ont indiqué à la délégation que dans la plupart des cas ils ne demandaient pas des fonds de l’Union européenne pour financer des projets, au motif qu’ils étaient tenus de cofinancer une partie du projet, ce que leurs moyens financiers ne leur permettaient pas.

 

iii. Recettes non fiscales

 

Les collectivités locales de Lettonie peuvent obtenir et collecter des revenus n’ayant aucun caractère fiscal. Ces sources de revenus (qui sont par définition variables) sont notamment les suivantes :

 

Les revenus d’activités commerciales d’entreprises locales et les revenus découlant de la propriété de biens (vente de biens meubles ou immeubles).

 

Les revenus provenant de biens (loyers).

 

Les dons reçus.

 

La collecte d’amendes concernant la circulation routière et d’autres infractions administratives découlant de violations de réglementations locales contraignantes. Par exemple, dans le cas de Riga, ces recettes représentent environ 5 M € (chiffres de 2016).

 

Les opérations financières : les collectivités locales peuvent demander des prêts auprès du secteur bancaire public (voir ci-après).

 

Après avoir détaillé les différentes sources de revenus, il convient d’examiner si les principes de suffisance et de proportionnalité des finances locales sont reconnus dans la législation nationale. Ces deux principes ne sont proclamés expressément ni dans la Constitution ni dans la législation ordinaire. Cependant, la loi sur les collectivités locales inclut plusieurs dispositions importantes à ce sujet. Par exemple, elle dispose que chaque fois qu’une nouvelle compétence « autonome » est transférée aux collectivités locales, « la loi qui définit l’exercice de cette fonction doit simultanément déterminer la nouvelle source de revenus pour les collectivités locales » (article 7). Il est difficile de vérifier si cette disposition est dûment respectée à chaque fois qu’une nouvelle compétence est assignée. D’après un expert letton, « en pratique, cependant, ces procédures ne sont pas toujours respectées, de sorte que les collectivités locales ne peuvent pas remplir toutes les tâches obligatoires ».

 

Un autre exemple est la disposition relative aux « fonctions déléguées ». Dans ce cas, la loi dispose que les ressources qui étaient précédemment affectées dans le budget de l’État à l’exercice de ces fonctions doivent être transférées aux collectivités locales (article 9). Par conséquent, ces principes bénéficient d’une reconnaissance limitée et partielle.

 

D’après le ministère des Finances, les collectivités locales disposent de recettes fiscales stables sur le long terme et le pouvoir central s’emploie à garantir le caractère suffisant des finances locales de diverses manières, en plus du mécanisme de péréquation. Par exemple, le ministère des Finances a indiqué à la délégation que dans les prochaines années il était prévu que les recettes fiscales des collectivités locales (en particulier celles qui proviennent de l’impôt sur le revenu des ménages) diminuent sous l’effet des réformes d’allégement fiscal destinées à stimuler l’économie. Ainsi, afin de compenser cette perte de revenus, le gouvernement prévoit d’établir un « transfert compensatoire spécial » pour les collectivités locales, avec une prévision d’allocation budgétaire de 13,3 M € en 2018, 135,9 M € en 2019 et 224,7 M € en 2020.

 

Plusieurs indicateurs peuvent être utilisés pour évaluer le caractère suffisant ou non des finances des collectivités locales. Tout d’abord, nous pouvons examiner la part des recettes fiscales des collectivités locales sur l’ensemble des recettes fiscales. Cet indicateur est nettement favorable aux collectivités locales de Lettonie : il a été calculé (par Eurostat) à 19,4 % pour l’année 2015, tandis que la moyenne pour l’UE était de 10,4 %. La Lettonie se classe ainsi au quatrième rang dans l’UE (derrière la Finlande, le Danemark et la Suède). Le ministère des Finances a indiqué à la délégation qu’avec l’adoption de la mesure « compensatoire » mentionnée ci-dessus, l’indicateur resterait d’environ 19,5 %, même en cas de baisse des recettes fiscales.

 

Un autre indicateur est la part des recettes totales des collectivités locales sur les recettes globales du secteur public. Cette proportion était de 26,7 % en 2015, pour une moyenne de l’UE à 24,5 % (chiffres d’Eurostat). Cet indicateur place la Lettonie au neuvième rang parmi les pays de l’UE, bien qu’il faille ici faire la même réserve que précédemment (absence d’autres niveaux territoriaux dans le pays). Cet indicateur était de 23 % dans le rapport de suivi de 2011 sur la Lettonie. Un certain progrès est donc visible.

 

Pour ce qui concerne l’avis des dirigeants locaux sur la question du financement, la plupart ont indiqué que d’une manière générale ils étaient satisfaits des conditions actuelles, bien que le système présente quelques aspects et perspectives négatifs : premièrement, ils se plaignent que, trop souvent, la loi attribue de nouvelles compétences aux collectivités locales sans leur fournir des ressources financières suffisantes et véritablement nouvelles ; deuxièmement, la loi attribue parfois de nouvelles compétences sans préciser de quel « type » de compétences il s’agit (parmi les différents types prévus par la loi). Cette situation a apparemment un impact financier négatif, du fait que les différents types de compétences ne sont pas financés de la même manière.

 

Troisièmement, les élus locaux s’attendaient à une baisse des recettes du fait des mesures d’allègement fiscal adoptées par le Gouvernement. Les taux de l’impôt sur le revenu des ménages ayant été abaissés (de 23 % à 20 %), le montant collecté au niveau national sera inférieur et les élus locaux craignent que les revenus des collectivités locales soient réduits en proportion. Il reste à voir si les mesures « compensatoires » que le ministère des Finances a présentées à la délégation seront finalement adoptées et si elles constitueront une compensation « suffisante » pour la perte de revenus. Quatrièmement, la LPS a aussi exprimé un mécontentement au sujet du mécanisme de péréquation actuel, considérant qu’il n’est pas équitable et que l’État devrait y insuffler une somme plus importante. En l’état actuel, le fonds de péréquation est principalement alimenté par les collectivités locales elles-mêmes et cela ne contribue pas à réduire les profondes disparités entre les collectivités locales riches et pauvres du pays. Cinquièmement, la LPS s’est plainte du fait que le système actuel de financement des collectivités locales dépend trop fortement de décisions annuelles du Gouvernement et de négociations périodiques, de sorte que les ressources totales, les différents pourcentages et les composantes des revenus peuvent changer d’une année à l’autre. Cette situation, d’après la LPS, ne permet pas aux collectivités locales d’avoir une planification à long terme, car elles ne peuvent pas être sûres des ressources dont elles disposeront les années suivantes. Par conséquent, les collectivités locales demandent que toutes ces variables soient spécifiées dans une norme légale.

 

Dans le domaine de la budgétisation, les villes et les communes peuvent élaborer et approuver librement leur propre budget, mais elles doivent respecter la structure budgétaire prévue par la loi. Le conseil local est l’autorité compétente pour approuver le budget. Les collectivités locales sont en théorie autonomes pour décider de leurs priorités en matière de dépenses, et ni le gouvernement central ni aucune autre autorité de l’État ne peut en principe aller à l’encontre de l’autonomie budgétaire des communes. À cet égard, le ministère des Finances respecte l’autonomie des collectivités locales et n’adresse pas d’instructions contraignantes ni de directives en matière de budgétisation. Les autorités de l’État ne sont pas autorisées à intervenir dans l’élaboration ou l’exécution des budgets locaux. Toutefois, dans la pratique, bon nombre des dépenses locales servent à couvrir des fonctions obligatoires. Ainsi, en 2014 les dépenses totales des collectivités locales étaient de 2 192,4 millions €. Le principal poste de dépenses (40,8 % des dépenses totales) était l’éducation : 894,6 millions €. Les autres postes étaient : les activités économiques, 374,7 millions € (17,1 %) ; la protection sociale : 204,1 millions € (9,3 %) ; les loisirs et la culture : 194 millions € (8,8 %) ; les services publics généraux : 182,2 millions € (8,3 %) ; la protection de l’environnement : 46,2 millions € (2,1 %).

 

D’après la loi sur les collectivités locales, le conseil local doit désigner au moins une fois par an un auditeur privé assermenté ou un cabinet d’audit en vue d’examiner l’exécution du budget et la préparation du rapport annuel. En outre, les collectivités locales peuvent mettre en place leur propre commission d’audit interne. Sur la base du rapport de l’auditeur (qui doit être publié), le Bureau d’audit de l’État publie une déclaration annuelle sur les rapports relatifs au budget des collectivités locales, qui fait partie du rapport sur le budget de l’État et les budgets des collectivités locales (voir supra point 4.7).

 

Enfin, pour ce qui concerne les biens municipaux, les collectivités locales de Lettonie disposent de leurs propres biens, marchandises et actifs. Le droit de posséder des biens fonciers et immobiliers est pleinement reconnu aux collectivités locales, qui gèrent librement leurs biens et actifs. Par exemple, parmi leurs biens figurent les rues, les routes, les parcs, les cimetières, les bâtiments et équipements administratifs, les écoles, les garderies, les centres culturels, les bibliothèques, les salles de sport, etc. Le principal texte législatif à ce sujet est là encore la loi sur les collectivités locales, qui énonce des directives générales dans ses articles 77 et 78.

 

Par conséquent, la délégation conclut que l’article 9, paragraphes 1 à 4 et paragraphe 7, de la Charte est respecté en Lettonie.

Article 9.4
Les ressources financières des collectivités locales - Article ratifié

Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences.


Voir réponse indiquée à l'article 9.1

Article 10.1
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales ont le droit, dans l'exercice de leurs compétences, de coopérer et, dans le cadre de la loi, de s'associer avec d'autres collectivités locales pour la réalisation de tâches d'intérêt commun.


En Lettonie, l’ordre juridique interne garantit pleinement le droit des collectivités locales de s’associer entre elles et de former des plateformes et structures communes en vue d’assurer conjointement des services locaux. En effet, la loi sur les collectivités locales inclut un chapitre entier (articles 95 à 100) intitulé « coopération entre les collectivités locales ». Concrètement, l’article 95 dispose ce qui suit : « en vue d’accomplir les tâches touchant à la totalité des collectivités locales ou à plusieurs d’entre elles, ces collectivités ont le droit de coopérer et de créer des associations de pouvoirs locaux ». Cette coopération peut prendre deux formes principales : avec ou sans la création d’une entité ou d’un organe commun. Dans le second cas, il suffit de signer un accord de coopération précisant les obligations respectives des communes signataires.

 

L’autre solution consiste, pour les collectivités locales souhaitant assurer des tâches communes, à « institutionnaliser » leur coopération en créant une nouvelle organisation, appelée « institution conjointe » dans la loi sur les collectivités locales (article 99). Dans ce cas, les conseils des collectivités locales concernées doivent approuver une réglementation détaillant les procédures pour le financement, le contrôle, la dissolution de l’institution conjointe, ainsi que le retrait d’une de ses composantes. Un conseil de contrôle, composé de représentants de toutes les collectivités locales fondatrices, est censé contrôler le fonctionnement de l’institution conjointe.

 

Les élus locaux ont indiqué à la délégation que la coopération intercommunale fonctionnait bien dans le pays et qu’elle était principalement utilisée dans les domaines des services culturels, de l’éducation et des services de transport. Cette forme de coopération est aussi utilisée pour organiser des compétitions sportives et des festivals culturels. Enfin, il ne faut pas oublier que les régions de développement peuvent aussi être décrites comme de véritables structures de coopération intercommunale, puisqu’elles ont été créées à l’initiative des collectivités locales et qu’une de leurs fonctions est de coordonner l’offre des services publics locaux.

 

Par conséquent, l’article 10, paragraphe 1, de la Charte est pleinement respecté en Lettonie.

Article 10.2
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Le droit des collectivités locales d'adhérer à une association pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs et celui d'adhérer à une association internationale de collectivités locales doivent être reconnus dans chaque Etat.


Ce deuxième paragraphe de l’article 10 de la Charte est clairement et pleinement respecté en Lettonie, puisque les collectivités locales ont le droit de créer des associations pour la protection et la promotion de leurs intérêts communs. Les collectivités locales de Lettonie sont également libres d’adhérer à des associations internationales de pouvoirs locaux. Le pays compte une association, unique et générale, de pouvoirs locaux, appelée en letton Latvijas PašvaldÄ«bu savienÄ«ba (LPS), ce qui signifie Association lettone des pouvoirs locaux et régionaux (quoique le terme « collectivités régionales » puisse être inapproprié ici, pour les raisons indiquées au point 3.2). Il existe aussi une Association lettone des grandes villes (créée en 2001), mais elle n’a pas le caractère officiel ni l’importance de la LPS, et ses activités sont beaucoup plus limitées. D’autres associations encore regroupent certains types spécifiques de collectivités locales.

 

Sur la base du principe de libre adhésion, la LPS a été fondée le 15 décembre 1991. Elle réunit actuellement 118 des 119 collectivités locales du pays (les 9 villes républicaines et 109 novads). La LPS est considérée comme la véritable association nationale chargée de défendre et représenter les intérêts des collectivités locales. Elle est l’interlocuteur local du gouvernement et mène des activités de lobbying pour défendre les intérêts locaux. De plus, conformément à l’article 96 de la loi sur les collectivités locales, la LPS est investie de l’autorité pour représenter les collectivités locales dans les négociations avec le Cabinet des ministres. Les principales étapes et modalités de l’action de représentation et de négociation de la LPS ont été décrites dans le présent rapport (voir supra). La LPS suit également attentivement toute initiative législative examinée par la Saeima touchant aux intérêts des collectivités locales. Dans ce cadre, la LPS coopère étroitement avec plusieurs commissions parlementaires et mène des activités de lobbying.

 

Outre ses tâches purement représentatives, la LPS mène de nombreuses et diverses activités d’intérêt commun et apporte aide et assistance aux collectivités locales. Par exemple, la LPS contribue à l’élaboration d’une position « locale » sur les politiques publiques ayant une incidence pour les collectivités locales. Elle fournit aux collectivités locales des informations et d’autres services et organise des formations pour les dirigeants et les personnels des collectivités locales. Par ailleurs, elle facilite la coopération entre les collectivités locales de Lettonie et celles d’autres pays. Elle soutient véritablement la coopération internationale (par exemple en encourageant les jumelages), et possède d’ailleurs un service de relations internationales extrêmement développé et actif, doté d’une représentation permanente à Bruxelles. La LPS est membre du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE).

 

Le plus haut organe décisionnel de la LPS est le Congrès, qui se réunit chaque année. Le Conseil et le Bureau assurent l’administration ordinaire de la LPS. Les ressources financières de la LPS proviennent des cotisations de ses membres.

 

Par conséquent, l’article 10, paragraphe 2, de la Charte est pleinement respecté en Lettonie.

Article 10.3
Le droit d'association des collectivités locales - Article ratifié

Les collectivités locales peuvent, dans des conditions éventuellement prévues par la loi, coopérer avec les collectivités d'autres Etats.


La Lettonie a signé et ratifié la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales et le Protocole additionnel à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales, du 9 novembre 1995 (bien qu’elle n’ait pas signé son Protocole n° 2). Ces instruments, combinés avec l’article 10, paragraphe 3, de la Charte, lequel est pleinement applicable en Lettonie, constituent une base légale et politique solide pour la coopération transfrontalière des collectivités locales de Lettonie. La situation peut être décrite comme étant plutôt positive. D’ailleurs, les dirigeants et associations locaux ont indiqué à la délégation ne pas avoir le sentiment de subir des limites ou des contraintes de la part de l’État dans ce domaine.

 

De fait, de nombreuses communes ont établi de multiples partenariats, accords et jumelages avec des villes et communes d’autres pays. Cette activité est habituellement conduite, facilitée ou encouragée par la LPS, comme on l’a vu, par le biais de son service international. Cette coopération transnationale s’effectue majoritairement avec des collectivités locales des deux autres républiques baltes, la Lituanie et l’Estonie. La capitale Riga est extrêmement active dans le domaine de la coopération internationale. Par exemple, elle est partenaire du projet USEACT (qui comprend douze villes d’Europe), dans le domaine du développement urbain.

 

L’article 10, paragraphe 3, est lui aussi respecté en Lettonie. L’article 10 est par conséquent pleinement respecté en Lettonie.

Article 11
Protection légale de l'autonomie locale - Article ratifié

Les collectivités locales doivent disposer d'un droit de recours juridictionnel afin d'assurer le libre exercice de leurs compétences et le respect des principes d'autonomie locale qui sont consacrés dans la Constitution ou la législation interne.


Les collectivités locales de Lettonie, étant dotées de la personnalité juridique, sont habilitées à défendre leurs droits, leurs biens et leurs intérêts devant les tribunaux, de la même manière que toute autre personne morale. Les villes et communes ont donc accès aux juridictions ordinaires, devant lesquelles elles peuvent défendre leurs intérêts et leurs droits.

 

Il en va de même pour les recours devant la Cour constitutionnelle. Chaque collectivité locale peut s’adresser à la Cour constitutionnelle si elle estime qu’une mesure adoptée par une autorité de l’État, et visant cette collectivité locale, porte atteinte à ses droits. De fait, le système letton est de ce point de vue l’un des plus avancés, progressistes et libéraux d’Europe. Cette possibilité pour une collectivité locale donnée d’engager un recours devant la Cour constitutionnelle en vue de défendre l’autonomie locale ne se rencontre que dans de très rares pays. En outre, l’action devant la Cour constitutionnelle est gratuite pour la collectivité locale requérante, qui est exempte de tous frais de justice.

 

Cette situation est d’autant plus remarquable que la Constitution lettone ne reconnaît pas expressément le principe de l’autonomie locale (voir supra para 37). L’architecte ou l’artisan de cette situation est la Cour constitutionnelle, qui a joué un rôle essentiel non seulement en garantissant l’applicabilité de ce principe mais aussi en reconnaissant la possibilité directe d’invoquer la Charte devant les tribunaux.

 

La Cour constitutionnelle est régie par l’article 85 de la Constitution. Entre autres fonctions, elle examine les affaires portant sur la conformité des lois avec la Constitution et les traités internationaux ratifiés par la Lettonie (comme la Charte). D’après les données communiquées à la délégation par certains juges de la Cour constitutionnelle, entre 1997 et 2015 les collectivités locales ont soumis 38 requêtes à la Cour. Dans la plupart de ces procédures, les collectivités locales affirmaient qu’un texte législatif national portait atteinte au principe de l’autonomie locale ou que la mesure contestée violait la loi sur les collectivités locales ou la Charte. Les collectivités locales peuvent contester non seulement des textes législatifs mais aussi des réglementations ministérielles et des ordonnances suspensives prises par le MPEDR concernant des réglementations locales contraignantes. Ainsi, dans seize affaires, des collectivités locales ont contesté des réglementations du Cabinet des ministres, et dans neuf de ces recours elles ont contesté des décisions suspensives du ministère. Dans certains des recours visant des réglementations ministérielles, le Cabinet a accepté de modifier la réglementation contestée au cours de la procédure, de sorte que le recours n’a pas abouti à une décision définitive sur le fond, la requête n’ayant plus d’objet. Sur ces 38 recours déposés par des collectivités locales, treize ont donné lieu à une décision sur le fond et dans quatre de ces affaires la Cour constitutionnelle a conclu que la mesure contestée était contraire à une norme de force juridique supérieure.

 

Les dispositions constitutionnelles relatives au contrôle sur lesquelles la Cour constitutionnelle s’appuie pour statuer sur les recours sont l’article 1 (principe de l’État démocratique, puisque la jurisprudence de la Cour constitutionnelle y inclut aussi les collectivités locales), l’article 25 (référence aux collectivités locales), l’article 104 et, en particulier, l’article 101. Sur la base de ces articles, la Cour constitutionnelle a déclaré que l’autonomie locale était un principe constitutionnel essentiel du pays.

 

Concernant le statut juridique de la Charte, la Cour constitutionnelle a compétence pour déclarer qu’une loi ou un règlement du Cabinet des ministres n’est pas conforme à la Charte, puisque celle-ci est un instrument de droit international ratifié par la Lettonie, lesquels priment sur la législation et les réglementations internes. Par conséquent, la Cour constitutionnelle considère qu’une violation de la Charte serait en même temps une violation de la Constitution. Par sa défense et son affirmation de cette position, la Cour constitutionnelle de Lettonie est probablement, de toutes les cours constitutionnelles européennes, celle qui garantit le mieux l’applicabilité et l’efficacité de la Charte.

 

Parmi les différentes affaires dans le cadre desquelles la Cour constitutionnelle a examiné l’applicabilité de la Charte, on peut citer : l’affaire n° 2007/2101 : elle porte sur une loi relative aux services de transport entre Riga et les collectivités locales voisines. l’affaire n° 2008/08.0106 : elle porte sur la réforme administrative des communes. l’affaire n° 2009/04.06 : 32 conseils locaux ont contesté la loi établissant la réforme territoriale de 2008, invoquant l’absence d’une disposition sur la consultation des collectivités locales, et donc l’existence d’une violation de l’article 5 de la Charte. Une fois la procédure engagée, la Saeima a modifié le texte afin d’introduire des dispositions sur la consultation des collectivités locales, de sorte que le recours n’avait plus d’objet. l’affaire n° 2016/2303 : la Cour constitutionnelle a examiné la possibilité pour le Cabinet des ministres d’adopter une réglementation instaurant un nombre minimal d’élèves nécessaire à un niveau donné dans une école pour que celle-ci puisse dispenser un enseignement à ce niveau et la possibilité qu’une telle norme soit contraignante pour les collectivités locales concernées. La collectivité locale a obtenu gain de cause. l’affaire n° 2009/2406 : la Cour constitutionnelle a noté que le pouvoir du ministère de la Protection de l’environnement et du Développement régional de suspendre une réglementation locale ne constituait pas une violation du principe d’autonomie locale. l’affaire n° 2013/1005 : l’affaire a été classée, le ministère de la Protection de l’environnement et du Développement régional ayant modifié sa décision au cours de la procédure.

 

Lors de la visite, la LPS a indiqué qu’elle aimerait être reconnue dans la loi en tant qu’acteur légitime dans les procédures engagées devant la Cour constitutionnelle, pour représenter l’ensemble des collectivités locales de Lettonie chaque fois qu’un texte législatif ou une réglementation ministérielle n’est pas conforme au principe de l’autonomie locale. Ce n’est pas possible actuellement, car les recours doivent être déposés par la ou les collectivité(s) locale(s) concernée(s).

 

La délégation a sollicité l’avis des représentants de la Cour constitutionnelle sur cette question, et les juges ont indiqué n’avoir aucune opposition de principe contre cette possibilité, qui conduirait à un contrôle « abstrait » de constitutionnalité. D’autres interlocuteurs, cependant, ont indiqué ne pas être convaincus de l’opportunité d’une telle possibilité. Les parlementaires rencontrés par la délégation à la Saeima se sont montrés clairement réticents concernant cette proposition, du fait qu’ils considèrent que la situation actuelle est suffisante, toute collectivité locale ayant la possibilité de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle. Les représentants du ministère de la Protection de l’environnement et du Développement régional ont aussi été interrogés sur cette possibilité, mais ils ont indiqué ne pas avoir de position clairement arrêtée sur ce sujet.

 

Au vu de ce qui précède, la délégation considère que la situation en Lettonie est conforme à l’article 11 de la Charte.

ADHESION

au Conseil de l’Europe

RATIFICATION

de la Charte européenne de l’autonomie locale

CONSTITUTION | LEGISLATION NATIONALE

En Lettonie, le principe de l’autonomie locale n’est pas expressément reconnu ni énoncé en tant que tel dans la Constitution. La Charte est entrée en vigueur en Lettonie en 1997 et elle est dès lors entrée dans « le droit du pays ». L’absence de toute mention expresse du principe de l’autonomie locale dans la Constitution n’a pas empêché la Cour constitutionnelle d’affirmer régulièrement ce principe dans sa jurisprudence.



29Disposition(s) ratifiée(s)
0Disposition(s) avec réserve(s)
1 Disposition(s) non ratifiée(s)
29Disposition(s) conforme(s)
0Disposition(s) partiellement conforme(s)
0Article non conforme