Les collectivités locales ont, dans le cadre de la loi, toute latitude pour exercer leur initiative pour toute question qui n'est pas exclue de leur compétence ou attribuée à une autre autorité
À Saint-Marin, les responsabilités et tâches de base des collectivités locales sont prescrites par la loi (article 4, paragraphe 1, de la Charte). La législation du pays ne prévoit cependant pas de compétence générale (article 4, paragraphe 2, de la Charte) pour les châtellenies (l’article 1, paragraphe 2, de la loi 127/2013 ne peut pas être interprété dans ce sens, puisqu’il mentionne uniquement le « territoire », et non les « affaires » liées à celui-ci ni une compétence correspondante des châtellenies).
La situation actuelle à Saint-Marin est également incompatible avec l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la Charte, puisque l’exercice des responsabilités publiques n’incombe pas, de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens (article 4, paragraphe 3). Au contraire, presque toutes les responsabilités publiques sont exercées par le pouvoir central. À Saint-Marin, il existe assurément des arguments valables justifiant l’exercice de nombreuses responsabilités publiques au niveau de l’État, comme la très faible superficie du pays et des raisons impérieuses d’efficience et d’économie. D’ailleurs, l’efficience de l’administration publique est aussi un principe inscrit dans la Constitution (article 14, paragraphe 1, de la Déclaration). Pour autant, ces raisons ne justifient pas la concentration de presque toutes les responsabilités publiques au niveau de l’État ni l’exclusion des communes des processus de décision (à de très rares exceptions près). Enfin, même les compétences extrêmement restreintes des collectivités locales ne sont pas pleines et entières (article 4, paragraphe 4, de la Charte).
Pour ce qui concerne le droit de consultation (article 4, paragraphe 6, article 5 et article 9, paragraphe 6, de la Charte), le droit interne prévoit un ensemble de procédures de consultation qui ont déjà été analysées dans d’autres parties du présent rapport (voir ci-dessus). Par exemple, les capitaines-régents, au début de leur mandat, rencontrent les maires des châtellenies (article 29 : « Conferenza dei Capitani di Castello »). Il existe une procédure de consultation pour le budget de l’État (article 24 de la loi 127/2013), une autre pour les travaux publics (article 31 et 32 de cette même loi), plusieurs tâches et obligations de consultation (par exemple la soumission d’une avis dans un délai de trente jours chaque fois que le service compétent le demande, article 23, paragraphe 5, de la loi) et une obligation pour les services administratifs de répondre aux demandes des châtellenies dans un délai de 90 jours (article 25 de la loi).
Lors de la visite de suivi, cependant, plusieurs interlocuteurs représentant les châtellenies se sont plaints du non-respect de ces règles et procédures. Dans les faits, les organes publics ne répondent pas dans un délai de 90 jours (d’ailleurs, habituellement ils ne répondent pas du tout) et la procédure de la liste de travaux publics n’est pas appliquée conformément à la loi. Une maire s’est plainte qu’elle demandait depuis plus d’un an aux autorités de l’État de faire quelque chose pour réparer une rampe d’accès pour les personnes handicapées devant sa mairie, mais que rien n’avait été fait et qu’elle n’avait même pas reçu de réponse à sa demande écrite. Dans la châtellenie de Borgo Maggiore, les interlocuteurs ont indiqué que cette année le maire avait décidé de ne pas préparer de liste des travaux publics en juin comme le prévoit la loi, et qu’à la place il avait tenu une conférence de presse pour protester contre la pratique persistante du pouvoir central consistant à ignorer la liste et les propositions des châtellenies. De nombreux maires semblent fatigués de répéter les mêmes problèmes et demandes tous les six mois, chaque fois que deux nouveaux capitaines-régents les reçoivent à l’occasion de leur entrée en fonction.
Certains ministres contestent ces demandes des châtellenies. Par exemple, le ministre du Territoire, de l’Environnement, de l’Agriculture, du Tourisme et de la Protection civile a souligné le fait que les maires des châtellenies se rencontrent tous les mois à des fins de consultation (article 30 : « Consulta delle Giunte di Castello ») et qu’ils invitent des représentants des ministères et autres organes publics compétents à participer à ces réunions. De plus, ce ministre a indiqué que le capitano (maire) local était membre de la commission de l’environnement, où il disposait d’un droit de vote. Le président de cette commission est le ministère lui-même et il indique consulter toujours le maire en premier lieu lorsqu’un projet local est examiné. Si le maire rejette le projet, le plan du ministère est suspendu.
En résumé, les rapporteurs concluent que la situation à Saint-Marin n’est pas conforme à l’article 4, paragraphe 2 (compétence générale), paragraphe 3 (principe de subsidiarité et exercice des responsabilités publiques au plus près des citoyens) et paragraphe 4 (compétences pleines et entières des collectivités locales). En outre, les rapporteurs s’inquiètent de la mise en œuvre des procédures de consultation, qui sont relativement développées dans le cadre juridique mais ne semblent pas, dans de nombreux cas, être appliquées en pratique. Les rapporteurs concluent donc au respect partiel de l’article 4, paragraphe 6.